Les commissaires européens ont validé en milieu de journée le texte de l’accord, première étape avant de soumettre ce traité de libre-échange aux Etats membres et aux eurodéputés dans les mois qui viennent.
Jusqu’ici, la France menait la fronde au sein de l’Union. Pour la convaincre et rassurer les agriculteurs européens, Bruxelles promet désormais de compléter l’accord par un « acte juridique » renforçant les mesures de sauvegarde pour « les produits européens sensibles ».
La Commission s’engage à intervenir en cas d’impacts négatifs des importations sur certaines filières, comme le bœuf, la volaille, le sucre et l’éthanol.
Des mesures immédiatement saluées à Paris. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas s’est réjouie que l’Union européenne « ait entendu les réserves » françaises.
Le gouvernement a encore « besoin d’analyser cette clause de sauvegarde », a-t-elle ajouté.
« Cela va dans le bon sens », a déclaré le ministre délégué au Commerce extérieur. » La France va maintenant examiner dans le détail ce qui est proposé, afin de s’assurer de l’efficacité du dispositif », affirme Laurent Saint-Martin.
Des partenariats avec des « alliés fiables »
Après ce geste, la Commission plaide pour que les 27 donnent « rapidement » leur aval à cet accord, si possible avant la fin de l’année 2025, tant que le Brésilien Lula occupe la présidence tournante du Mercosur.
Avec un mot d’ordre : la nécessité de diversifier les partenariats avec des « alliés fiables », alors que la concurrence est féroce avec la Chine et que les taxes douanières sur les produits européens augmentent avec les Etats-Unis de Donald Trump.
Cet accord doit notamment permettre à l’Union européenne d’exporter davantage de voitures, de machines, de vins et de spiritueux en Argentine, au Brésil, en Uruguay et au Paraguay.
En retour, il faciliterait l’entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, au risque de fragiliser certaines filières agricoles européennes.
« Nous continuons à diversifier nos échanges, à renforcer de nouveaux partenariats et à créer de nouvelles opportunités commerciales », plaide la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
« Le RN dénonce une trahison »
Mais depuis la conclusion des négociations en décembre dernier, les syndicats des agriculteurs européens sont vent debout.
« Le combat se poursuit », a aussi prévenu le premier syndicat agricole français, la FNSEA, en appelant au chef de l’Etat Emmanuel Macron. Une mobilisation d’agriculteurs est annoncée jeudi à Bruxelles.
L’exécutif européen remet le dossier du Mercosur sur la table au moment où la France est de nouveau plongée dans une crise politique. Le gouvernement pourrait tomber lundi lors d’un vote de confiance très mal engagé pour le Premier ministre François Bayrou.
Dans l’opposition, le RN dénonce déjà une « trahison » d’Emmanuel Macron si Paris change de pied sur le Mercosur, tandis que LFI réclame une « mobilisation générale » contre le traité.
Au Parlement européen, le centriste Pascal Canfin promet de son côté une initiative transpartisane pour tenter de « suspendre l’adoption » de l’accord, « en l’absence de transparence et de garanties claires ».
L’un des sujets sensibles concerne les normes sanitaires et environnementales. Les agriculteurs européens accusent leurs concurrents latino-américains de ne pas respecter les normes de l’UE, faute de contrôles suffisants.
Mais l’accord avec le Mercosur compte aussi de nombreux partisans en Europe, à commencer par l’Allemagne qui y voit de nouveaux débouchés pour ses produits industriels et notamment pour son secteur automobile.
Selon Bruxelles, il permettrait aux exportateurs européens d’économiser plus de 4 milliards d’euros de droits de douane par an en Amérique latine.
A elle seule, la France ne pouvait faire capoter à elle seule cet accord. Il lui fallait réunir une « minorité de blocage », soit au moins quatre Etats représentant plus de 35 % de la population de l’Union européenne.
L’ajout de la Commission mercredi ne nécessite pas de renégociation de l’accord avec les pays du Mercosur, mais les Européens devront tout de même expliquer à leurs partenaires latino-américains pourquoi ils ont procédé ainsi.
(Avec AFP)