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Réforme de la sûreté nucléaire : le projet de loi controversé présenté en Conseil des ministres

Le projet de réorganisation de la sûreté nucléaire a fait son retour, cette fois dans un projet de loi sorti ce 20 décembre du Conseil des ministres. Il sera d’abord examiné au Sénat, à partir du mois de février. Controversé, le texte suscite des craintes de la part des experts de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire appelé à se fondre l’Autorité de sûreté nucléaire.
Guillaume Jacquot

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Le gouvernement remet sur le métier le chantier de la réforme de la sûreté nucléaire. Son projet de loi, présenté ce 20 décembre en Conseil des ministres, s’inscrit dans sa stratégie de relance de cette énergie. En réorganisant la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, l’exécutif espère « fluidifier » les décisions. Avec le projet de construction de six nouveaux réacteurs de nouvelle génération (EPR2) et la possibilité de huit réacteurs additionnels, couplée aux travaux à mener sur la prolongation des centrales actuelles, les agences vont être confrontées à une montée en puissance de leur charge de travail.

Le cœur du réacteur du projet, est la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le premier, un établissement public placé sous la tutelle de plusieurs ministères et qui compte plus de 1 700 agents, se présente comme « l’expert public en matière de recherche et d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques ». Le second est une autorité administrative indépendante, chargée de se prononcer sur le renouvellement des autorisations d’exploitation des réacteurs nucléaires. « Gendarme du nucléaire », il compte plus de 500 agents.

Une première tentative pour les réunir a eu lieu au printemps, par voie d’amendement dans le projet de loi sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Remontés contre l’absence de concertation et d’évaluation préalables, les parlementaires s’y étaient opposés, conduisant le ministère de la Transition énergétique à revoir sa stratégie, et surtout son calendrier. Tout découle en tout cas d’une décision prise le 3 février à l’Élysée lors d’un conseil de politique nucléaire.

Dans ce projet de loi, l’ASN et l’IRSN seront regroupés au sein d’une « Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » (ASNR), dont la naissance est programmée au 1er janvier 2025. Pour le gouvernement, qui s’en explique dans l’exposé des motifs, « cette évolution permettra de répondre aux attentes en termes de délais et d’efficacité des processus d’expertise, d’instruction, d’autorisation et de contrôle ».

Crainte d’une « désorganisation » chez les experts de l’IRSN

Le texte est loin de faire l’unanimité. Ce 20 décembre, les salariés de l’IRSN étaient appelés à cesser le travail pour protester contre le projet de loi. L’intersyndicale estime qu’une adoption du texte « conduirait à une dégradation du système de gouvernance de la sécurité nucléaire et à une baisse du niveau de protection de la population ». Les représentants redoutent une désorganisation au sein de l’organisation, une dégradation de l’évaluation des risques et une perte de transparence de la future entité unifiée vis-à-vis du public. Ils craignent que les avis ne soient plus publiés en amont des décisions. Certains parlementaires d’opposition s’interrogent plus largement sur les raisons d’une telle fusion et les avantages qu’elle procurerait.

Saisi par le gouvernement, le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) se demandait le 3 décembre « si les dispositions du texte étaient à la hauteur des ambitions affichées par le gouvernement ». Cette instance notait que certains points risquaient « d’être en retrait par rapport au droit en vigueur » et d’autres étaient « laissés en suspens », certains devant être précisés ultérieurement dans le règlement intérieur de la future ASNR.

Un rapport de l’OPECST (Office parlementaire des choix scientifiques) s’est penché d’ailleurs cet été sur les enjeux d’une telle fusion. À la suite de leurs travaux, Jean-Luc Fugit et Stéphane Piednoir (LR) sont arrivés à la conclusion qu’une réorganisation de l’ASN et de l’IRSN en une seule entité se justifiait en raison des défis lourds qui attendent la filière dans les décennies à venir. Face aux craintes des salariés de l’IRSN, le rapport parlementaire a réaffirmé la fonction de recherche de la future entité. Ils recommandaient également de maintenir la publication des rapports d’expertise (assurée actuellement par l’IRSN) en la rendant « concomitante » de la publication des décisions de l’autorité, « dans un souci d’apaisement » et afin de « préserver l’indépendance de l’expertise ».

Autre position exprimée par l’OPECST : augmenter les effectifs, renforcer l’attractivité des métiers, donc in fine conforter les budgets. « Un rapprochement ou une réorganisation ne peut, en tout état de cause, être couronné de succès que dans un contexte de croissance des moyens. Un éventuel rapprochement entre l’ASN et l’IRSN ne saurait avoir lieu à effectifs constants », recommandaient-ils. Cette question ne relève pas du projet de loi présenté ce mercredi, mais de la loi de finances.

Le parcours législatif va commencer au Sénat, où l’examen en séance publique est programmé pour le 7 février. Un vote final est prévu le 13 février dans l’après-midi. Selon nos informations, c’est le sénateur centriste Pascal Martin qui assumera les fonctions de rapporteur, au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Patrick Chaize (LR) sera rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, laquelle a reçu la délégation de six articles sur 18 du projet de loi.

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