Le Sénat supprime les avantages accordés aux anciens présidents de la République et Premiers ministres

Les sénateurs ont adopté un amendement au budget 2025, contre l’avis du gouvernement, afin de mettre fin aux avantages des anciens présidents de la République et anciens Premiers ministres : voiture personnelle avec chauffeur, collaborateurs ou encore secrétariat.
Guillaume Jacquot

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Lorsqu’il était encore en poste à Matignon, Michel Barnier s’était montré favorable à « demander un effort aux anciens ministres et anciens Premiers ministres », pour un État « plus sobre ». Désormais lui-même dans cette situation, l’ancien chef du gouvernement, comme tous ceux qui l’ont précédé, pourrait se voir appliquer cette rigueur.

Le Sénat a adopté ce 22 janvier un amendement dans ce sens au projet de loi de finances pour 2025. Déposé par la centriste Nathalie Goulet, l’amendement a supprimé l’enveloppe destinée aux dépenses afférentes aux anciens présidents de la République et aux anciens Premiers ministres, soit 2,8 millions d’euros par an. C’est la réduction maximale qui a été retenue, car deux autres amendements proposaient de diminuer partiellement cette ligne budgétaire. L’amendement doit encore être retenu dans la suite de la navette parlementaire pour entrer en vigueur.

« J’ai vérifié, personne n’est aux Restos du cœur »

« Dans l’ensemble, ils ne sont pas des grands nécessiteux de la République, ils ont tous un certain nombre de retraites et ont tous des postes de consultant. J’ai vérifié, personne n’est aux Restos du cœur », a justifié la sénatrice de l’Orne. « Quand on demande aux Français de faire des efforts, ils ne comprendraient pas que l’État ne commence pas par lui-même et par éviter les dépenses superflues », a également argumenté le sénateur Michel Canevet (Union centriste).

Pour rappel, la France compte 16 anciens Premiers ministres, et ces derniers peuvent bénéficier d’une voiture avec l’attribution d’un chauffeur et d’un secrétariat s’ils n’en disposent pas dans le cadre d’un mandat parlementaire, d’un mandat d’élu local ou d’une autre fonction publique.

« Entre 2022 et 2023, les crédits consacrés aux anciens Premiers ministres ont augmenté de 11 %. Et il n’y avait que 13 anciens Premiers ministres à l’époque », a rappelé le centriste Hervé Maurey, sur la base d’un rapport de l’Assemblée nationale. Depuis la remise de ce travail, trois anciens Premiers ministres ont rejoint les effectifs, une « inflation » causée par l’instabilité politique qui a débuté en 2024.

Les moyens accordés aux anciens chefs de l’État sont plus conséquents. Outre un véhicule avec chauffeur, un ancien président de la République bénéficie d’un cabinet de sept membres et de deux agents de service. Cet effectif est ramené à trois membres et un agent de service, lorsqu’il a quitté l’Élysée depuis plus de cinq années. Il dispose enfin de locaux meublés et équipés, dont le loyer et les frais sont pris en charge par l’État, et de la prise en charge de leurs frais pour les activités liées à son ancienne fonction présidentielle.

Le ministre Patrick Mignola rappelle que le monde est « dangereux »

Le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, a rappelé que des efforts avaient été entrepris, à la suite d’un décret de 2019. « Il convient, quand même, dans un monde aussi dangereux que le nôtre, avec une délinquance de terrain ou avec des risques internationaux qui peuvent être d’agression, d’espionnage, qu’on se représente que des anciennes personnalités qui ont occupé des fonctions très importantes dans la République puissent avoir un service de déplacement et surtout de protection », a insisté l’ancien président du groupe Modem à l’Assemblée nationale.

Rappelons que le budget de la protection des anciens présidents de la République et des anciens Premiers ministres ne relève pas de la direction de l’action gouvernementale, examinée ce 22 janvier, mais du service de la protection (SDLP), dépendant du ministère de l’Intérieur.

« C’est un signal »

Plusieurs orateurs ont rappelé que certains anciens Premiers ministres bénéficiaient de ces avantages depuis « plus de 30 ans ». C’est le cas de la socialiste Édith Cresson, en fonction de mai 1991 à avril 1992, et bientôt d’Édouard Balladur, qui a quitté Matignon en mai 1995. Le communiste Fabien Gay a suggéré qu’une limite temporelle soit fixée. Les frais de secrétariat, destinés à assurer les dépenses occasionnées par les éventuelles sollicitations postales, sont en tout cas stoppées au bout de 10 ans.

En dehors du gouvernement, une seule voix s’est élevée contre l’amendement. « Cela ouvre des débats malsains et c’est de la démagogie », s’est opposé le sénateurs Jean-Pierre Grand (Horizons). « Il faut écouter nos concitoyens, sinon on s’en éloigne beaucoup. C’est un signal, quelque chose qui montre un exemple, un symbole », a répliqué le sénateur centriste Vincent Delahaye.

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