Discours du President de la Republique sur la lutte contre les separatismes

Loi séparatisme : « Cette loi n’a pas fait peur aux islamistes », selon l’auteure d’un rapport sénatorial

Trois ans après la promulgation de la loi « séparatisme », la commission des lois du Sénat a fait un bilan sévère de son application et de ses effets. Elle formule 18 recommandations, « car tout reste à faire ».
Simon Barbarit

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La sénatrice LR, Jacqueline Eustache Brinio qui a signé un rapport avec sa collègue centriste, Dominique Vérien sur le bilan de l’application de la loi « séparatisme », est « très à l’aise pour dire que l’objectif de ce texte n’est pas atteint ». Déjà en 2021, lors de son examen au Parlement, les positions inconciliables entre le gouvernement et le Sénat avaient conduit à un rejet du texte par la chambre haute en seconde lecture via l’adoption d’une question préalable. La majorité sénatoriale de la droite et du centre s’était levée contre le durcissement des conditions de l’instruction à domicile. Et elle n’avait pu imposer l’interdiction des signes religieux pour les accompagnateurs de sorties scolaires (relire notre article).

Contrat d’engagement républicain : « Une simple case à cocher »

Trois ans après la promulgation de la loi « confortant le respect des principes de la République », Dominique Vérien et Jacqueline Eustache-Brinio, qui furent à l’époque rapporteures du projet de loi, estiment son bilan « loin d’être concluant » que ce soit sur les moyens d’assurer le respect effectif des principes de la République ou la réforme du régime des cultes.

Depuis la nouvelle législation, le versement des subventions publiques aux associations est conditionné à la signature d’un « contrat d’engagement républicain » (CER). En cas de violation de cet engagement, les sommes allouées peuvent être retirées. « Cet engagement républicain consiste à cocher une case perdue au milieu des dix pages d’un formulaire Cerfa », déplore Jacqueline Eustache-Brinio estimant qu’il s’agit plus d’une formalité administrative que d’un simple engagement. La mission recommande de « faire du contrat d’engagement républicain un document indépendant de la demande de subvention, afin de mieux traduire l’engagement consenti par l’association ».

« Les associations militantes, altermondialistes ont l’impression que le gouvernement s’est servi de ce texte pour les attaquer »

Plus préoccupant pour les sénatrices, cette mesure phare du texte est passée à côté de sa cible et aurait conduit à la défiance du monde associatif. Sur le 1,5 million d’associations en activité en France, 61 % bénéficient de subventions et la commission n’a recensé entre 2021 et 2024 que quatre cas de retraits de subventions en raison d’une violation du « contrat d’engagement républicain ». De même, le nouveau régime de dissolutions administratives au motif de provocation à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, n’a concerné que 6 d’associations ou groupements « qui n’étaient pas ceux initialement envisagés par le législateur, en particulier dans le cas des Soulèvements de la Terre », relève le rapport. Le Conseil d’Etat a annulé depuis la dissolution du mouvement écologiste, estimant que la mesure n’était pas « adaptée et proportionnée ». « Les associations militantes, altermondialistes ont l’impression que le gouvernement s’est servi de ce texte pour les attaquer, plutôt que les associations séparatistes », relève Dominique Vérien.

« Cette loi ne fait peur à personne. Surtout pas aux islamistes », tranche Jacqueline Eustache-Brinio. Le rapport note que les associations séparatistes ont, elles, adopté une stratégie du « profil bas », consistant à ne plus demander de subventions.

Associations cultuelles : « Les préfectures n’étaient pas prêtes »

En ce qui concerne les associations cultuelles de loi de 1905, la loi leur imposait de déposer un dossier de « cultualité » avant le 30 juin 2023 pour celles constituées avant le 25 août 2021. Le but était de s’assurer que les avantages fiscaux et financiers liés au statut d’association cultuelle ne bénéficiaient pas à des officines séparatistes mais également « d’inciter à la transformation des associations mixtes, privilégiées par les nouvelles spiritualités et le culte musulman, en associations relevant de la loi de 1905 », rappelle le rapport. « Or, les préfectures n’étaient pas prêtes. Faute d’information ou de formation, on nous a rapporté des situations aberrantes, comme la convocation de ministres des cultes par la police ou des demandes de signature de contrats d’engagement républicains », rapporte Dominique Vérien. Sur les 5 000 associations cultuelles recensées avant 2021, 3 000 associations sont actuellement reconnues ou en cours d’instruction. 300 relèvent du culte musulman, les plus nombreuses étant les protestantes. « La nouvelle procédure de déclaration préalable a essentiellement conforté le sentiment de défiance des cultes, cette impression étant même partagée désormais par ceux qui étaient les plus engagés dans l’élaboration de la loi », notent les rapporteures. La commission des lois préconise par conséquent « d’identifier les difficultés liées au statut, de trouver les solutions adaptées et de diffuser le plus rapidement les textes réglementaires et les meilleures pratiques ». Les élus demandent aussi plus de souplesse lors du renouvellement des demandes des associations dont la qualité cultuelle aura déjà été reconnue pour une première période de cinq ans.

L’un des rares points de la loi à avoir produit des effets, selon les rapporteurs, porte sur les financements étrangers. Les associations cultuelles ont désormais l’obligation de déclarer les dons étrangers de plus de 10 000 euros et la cession de lieux de culte à un État étranger. « Tracfin a observé un assèchement d’un certain nombre de flux. Mais, il faut rester vigilant car ils ont été redirigés vers l’Afrique subsaharienne, là où la France à quelques problèmes », note Dominique Vérien.

Le « déféré laïcité » pas assez utilisé par les préfets

Enfin, en ce qui concerne le public, la loi prévoyait la généralisation d’un référent laïcité dans chaque administration. Les rapporteurs estiment « hors de portée » l’objectif de formation à la laïcité de 100 % des agents d’ici fin 2025. Ils pointent des dispositifs de protection des agents « encore imparfaits » puisque les violences ou menaces pouvant les viser sont « relativement peu poursuivies ». Un constat en miroir avec les recommandations de la commission d’enquête du Sénat sur les agressions visant les enseignants (lire notre article).

Une autre voie de droit créée par la loi séparatisme pour mieux contrôler le respect du principe de laïcité par les collectivités locales reste pratiquement au stade théorique. Il s’agit du « déféré laïcité ». Il n’a utilisé qu’une seule fois avec succès en 2022. Sur instruction du ministre de l’Intérieur, le préfet de l’Isère avait saisi le tribunal administratif de Grenoble, en usant du nouveau « déféré laïcité » pour bloquer une délibération du conseil municipal de Grenoble qui modifiait le règlement intérieur des piscines municipales afin de permettre aux femmes de se baigner seins nus ou de porter un burkini. Le Conseil d’Etat avait confirmé l’interdiction. La commission des lois recommande à ce titre de « systématiser le recours au déféré laïcité en présence d’un acte problématique ».

 

 

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