Paris : Michel Barnier a l hopital Necker

Quels ministres au gouvernement ? Michel Barnier face au « casse-tête » des nominations

Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.
François Vignal

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Vous avez aimé le suspense pour le nom du premier ministre, vous allez adorer attendre la nomination du gouvernement. Arrivé jeudi dernier à Matignon, Michel Barnier s’attelle maintenant à la difficile composition de son futur gouvernement.

A peine nommé premier ministre par Emmanuel Macron, l’ancien négociateur du Brexit a reçu vendredi son prédécesseur Gabriel Attal, à la tête des députés Renaissance, puis les cadres de sa famille politique d’origine : les présidents des groupes LR de l’Assemblée et du Sénat, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, et le président LR du Sénat, Gérard Larcher. Il a poursuivi ses consultations dimanche, avec notamment le néo candidat à la présidentielle, Edouard Philippe, pour Horizons, avant François Bayrou, patron du Modem.

« Un équilibre subtil à trouver »

La délicate question du casting s’avère, comme à chaque fois, une équation complexe. « C’est un équilibre subtil à trouver », selon un proche du premier ministre. « C’est un savant dosage de partis, de représentation des territoires, c’est un véritable casse-tête », souligne une sénatrice LR. Et ce dernier point devrait bien être pris en compte. « Ils vont revenir aux équilibres territoriaux », assure une source parlementaire. Le même proche de Michel Barnier résume :

 Il a besoin de voir les lignes rouges, les lignes vertes, pour essayer de trouver la voie de passage. C’est un montagnard. Le but est de trouver une ligne de crète pour passer. 

Un proche de Michel Barnier.

Mais la prudence est de mise face au « name-dropping ». « Connaissant Michel, c’est quelqu’un qui est plutôt discret. Ce n’est pas lui qui va s’épancher tant que sa décision n’est pas prise », met en garde un parlementaire qui l’a soutenu pour la primaire interne aux LR.

« Bruno Retailleau n’ira pas à n’importe quel prix »

Au petit jeu du casting, il semble fort probable que des LR fassent leur entrée au sein du gouvernement Barnier. Outre les noms de David Lisnard, Xavier Bertrand (cité déjà pour Matignon) ou même de Laurent Wauquiez, un nom revient avec insistance : celui de Bruno Retailleau. Le patron des sénateurs LR est cité pour un poste régalien, à l’Intérieur ou à la Justice. S’il faut rester prudent, les choses semblent même bien avancées.

« Retailleau, c’est une hypothèse plus que possible. Il a le profil. On lui a demandé », lâche à publicsenat.fr un parlementaire LR qui le connaît bien. Acceptera-t-il ? « En principe, oui », confie le même. Alors c’est bon ? Pas complètement. « Rien n’est fait », tempère ce parlementaire avec prudence. Il faut attendre que toute l’architecture soit bouclée et en matière de gouvernement, l’expérience montre que tout peut bouger jusqu’à la dernière minute. « Il n’ira pas à n’importe quel prix », ajoute un autre au fait des discussions.

« Un gouvernement de quasi-cohabitation » ?

La place que prendra, ou plutôt voudra bien ne pas prendre, Emmanuel Macron, est l’une des données essentielles. Alors que l’Elysée parle de « coexistence exigeante », Michel Barnier a assuré à ses interlocuteurs qu’il n’aura pas la bride autour du cou. « Ce sera un gouvernement de quasi-cohabitation. Retailleau et Wauquiez ont demandé qui sera le patron du gouvernement. Et Barnier a dit qu’il appliquera l’article 20 de la Constitution de façon rigoureuse », selon un sénateur LR. Pour rappel, l’article dit que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ».

Autrement dit, Michel Barnier aura les clefs du camion et les mains sur le volant. Dans ces conditions, les LR seraient susceptibles de monter à bord. « Macron n’est plus dans le jeu, c’est fini », veut croire également un parlementaire proche de Michel Barnier. « Ce gouvernement doit très vite montrer des signes de son indépendance vis-à-vis de Macron. Ce que Barnier a fait. Il a supprimé les conseillers communs, les liens dans les réunions hebdomadaires », ajoute le même.

« La question de la succession de Bruno Retailleau à la présidence du groupe n’est pas une mince affaire »

S’il entre bien gouvernement, l’arrivée de Bruno Retailleau, qui incarne et assume une ligne très à droite sur l’immigration et la sécurité, risque d’en surprendre certains au Sénat, voire de faire l’effet d’une petite bombe au sein du groupe LR. Le sénateur de Vendée n’a pas ménagé ses critiques depuis des années contre Emmanuel Macron.

Mais pour un sénateur du groupe, il a un rôle à jouer. « C’est une personnalité qui pèse. Et il n’a jamais été ministre. S’il le souhaite, je pense qu’il a sa place. S’il demandait mon avis, je lui dirais vas-y, c’est ton tour. Il y a intérêt. Le problème de son CV, c’est qu’il n’a jamais été ministre », note ce sénateur. « Retailleau dans un gouvernement, ça a de la gueule. Il faut que ce soit un ministère qui pèse, un poste stratégique, qui a une force de frappe et de feu », admet une sénatrice LR. Mais cette élue qui connaît bien le groupe met en garde quant aux conséquences d’une telle nomination : « La question de sa succession à la présidence du groupe n’est pas une mince affaire, car on a toujours eu un groupe extrêmement solidaire, soudé, parce qu’on avait un président comme Bruno Retailleau, car il en imposait à nous tous », alerte cette sénatrice, qui craint que « demain, un autre président de groupe n’ait pas l’expérience d’un Retailleau ».

« Il y a un effet cascade », confirme un sénateur LR, qui confie que « certains pensent à François-Noël Buffet (président de la commission des lois) pour la présidence du groupe, mais aussi à Roger Karoutchi, qui doit y penser, il a de l’expérience ». « Personne n’est irremplaçable », estime un autre, selon qui Bruno Retailleau estime que « l’état du pays est tel, qu’on est obligé de faire quelque chose ». Autrement dit d’entrer au gouvernement.

« Le Sénat n’a jamais été très bien servi dans les gouvernements Macron. Il faut rééquilibrer »

A la Haute assemblée, on espère bien « qu’il y aura plusieurs sénateurs car le Sénat n’a jamais été très bien servi dans les gouvernements Macron. Il faut rééquilibrer ». D’autres noms tournent, comme Marie-Claire Carrère Gée, sénatrice LR de Paris, qui a été directrice de campagne de Michel Barnier pendant la primaire, Agnès Evren, sénatrice à la tête de la fédération LR de Paris, ou celui de Mathieu Darnaud, premier vice-président LR du Sénat. « Il fait partie de la nouvelle classe politique. Il est jeune, avec un degré d’expertise comme sénateur et élu local. C’est une hypothèse crédible, s’il le souhaite », selon un proche du premier ministre. Interrogé par Le Dauphiné, le sénateur de l’Ardèche, qui connaît bien les questions des collectivités, répond que « c’est un peu prématuré ». Autre nom cité, celui de la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas, une proche de Gérard Larcher, pour l’agriculture. Un sénateur LR en glisse quelques autres, qui pourraient avoir le profil selon lui : « Côté finances, Jean-François Husson, rapporteur du budget au Sénat, ou Christine Lavarde. Ou Laurent Duplomb sur l’agriculture, un proche de Laurent Wauquiez ». Au groupe LR, on pense aussi au sénateur de la Savoie Cédric Vial, qui avait soutenu l’ancien commissaire européen pour la primaire. Mais être Savoyard, comme Michel Barnier, poserait problème en termes d’équilibre territorial.

Si on parle beaucoup des LR, Michel Barnier devra compter des membres de l’ex-majorité dans son équipe. Mais Gabriel Attal n’entend pas apporter de blanc-seing automatique… « Il n’y aura de notre part ni volonté de blocage, ni soutien inconditionnel : seule la volonté d’être utiles à notre pays et fidèles à nos valeurs nous guidera », a assuré l’ancien premier ministre dans un message aux députés de son groupe, selon l’AFP. Il évoque quand même une « possible participation » des macronistes au futur gouvernement. Quand même. Quelques « ex » se verraient bien rempiler, comme Rachida Dati, Sébastien Lecornu ou encore Aurore Bergé. Mais difficile de faire du neuf avec de l’ancien, alors que le camp macroniste a été défait aux législatives. Pour un LR, il faut même que « les macronistes soient minoritaires » dans le gouvernement…

Des ministres Modem au gouvernement Barnier ? « Une évidence » pour François Bayrou

L’allié du Modem compte bien en être aussi. Invité du Grand Jury RTL – Le Figaro – M6 – Public Sénat dimanche 8 septembre, le leader du Modem, François Bayrou, a assuré qu’il soutiendra Michel Barnier. Il attend de voir des membres de son parti au gouvernement. « Ça me semble une évidence », avance François Bayrou, qui assure qu’il ne sera « pas ministre ». Il met au passage en garde contre la tentation d’un gouvernement trop LR, qui « ne passerait pas la rampe ». Le leader centriste attend « équilibre et renouvellement ». Regardez :

Du côté d’Horizons, on ne dirait pas « non ». « Nous en discuterons formellement aux journées parlementaires d’Horizons à Reims. D’ores et déjà, Laurent Marcangeli et Claude Malhuret (à la tête des groupe Horizons de l’Assemblée et des Indépendants du Sénat, ndlr) ont fait savoir que nous sommes prêts à participer au gouvernement de Michel Barnier. Nous voulons que ce gouvernement réussisse parce que nous voulons que la France réussisse », nous explique Nathalie Loiseau, eurodéputée Horizons. L’ancienne ministre des Affaires européennes du gouvernement Philippe serait elle-même prête à retrouver un maroquin. Mais « à deux conditions : qu’on me le propose et que je sois en situation d’apporter quelque chose », nous textote cette fidèle d’Edouard Philippe.

A gauche, « ça ne mord pas »

C’est à gauche que Michel Barnier risque d’avoir le plus grand mal à trouver des candidats. L’Opinion citait Jérôme Guedj, Raphaël Glucksmann ou Laurence Tubiana, précisant qu’ils n’iraient pas… Autre nom évoqué : Hélène Geoffroy, très critique au sein du PS sur la ligne Faure et l’accord avec LFI. « Elle n’a pas été sollicitée et n’a de toute façon nullement l’intention de faire partie du gouvernement Barnier », nous assure son entourage.

Mais Matignon s’active. « Ils vont chercher. Il semblerait qu’ils ont pris contact auprès de députés, de sénateurs », glisse Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. « Mais au moment où je vous parle, ça ne mord pas. J’espère que ça ne mordra pas. Que faire dans une galère avec un armateur sans cap et un capitaine sous dépendance. Je ne vois pas la place d’un homme ou d’une femme de gauche dans une telle aventure », soutient l’ancien ministre de François Hollande, lui aussi critique du rapprochement entre le PS et LFI.

Surtout, la gauche ne voit aucun signe tangible qui la pousserait à se lancer. Paraphrasant le général de Gaulle, le sénateur PS Rachid Temal lance : « Je ne crois pas qu’à 73 ans, le premier ministre va démarrer une carrière de progressiste ». Pour le sénateur du Val-d’Oise, « ce sera un gouvernement de droite. On va au bout du processus du retour du RPR et de l’UDF, l’UDF étant la macronie et les LR le RPR. Je ne vois pas ce qu’une personnalité de gauche ferait dans un gouvernement de droite ».

« Les saloperies de l’Elysée, qui balance des noms pour créer le trouble », dénonce Patrick Kanner

A moins d’un bougé qui ne semble pas venir. « Nos lignes rouges sont connues : moratoire ou suspension de la réforme des retraites ; un effort fiscal qui permet de repartir l’effort dans le redressement du pays, c’est-à-dire le rétablissement d’un ISF pour le climat ; le pouvoir d’achat avec une grande conférence sociale et salariale, ou encore une grande loi pour relancer le logement dans le pays. Si tout cela est annoncé, ça se regarde, mais à ce stade, je n’ai rien vu qui aille en ce sens. Mais ça ne me choque pas car il est là pour faire une politique de droite. Donc nous seront dans l’opposition », soutient Patrick Kanner, qui dénonce au passage que des noms de gauche soient lâchés dans la presse : « Ce sont les saloperies de l’Elysée, qui balance des noms pour créer le trouble et la confusion, comme ça a été fait pour le premier ministre ».

Quand le gouvernement sera bouclé, restera une autre étape, encore plus difficile dans le contexte : durer. « Tout le monde prédit que le gouvernement durera peu de temps. C’est possible. Mais il ne faut pas exclure que ça puisse durer jusqu’au bout », soit 2027, espère un proche du premier ministre. On n’est plus à une surprise près.

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