Désignation des grands électeurs pour les sénatoriales : « un rendez-vous politique et citoyen » à Arras

Alors que les élections sénatoriales se tiendront le 24 septembre 2023, la désignation des « grands électeurs » supplémentaires dans les communes de plus de 30 000 habitants marque une nouvelle étape dans la campagne. Mais comment sont-ils désignés ? Qui sont-ils ? Retour à Arras sur une étape importante, mais méconnue, de la vie politique locale.
Louis Mollier-Sabet

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Ce vendredi 9 juin au petit matin, sur la place des héros d’Arras, les restaurateurs déchargent les fûts de bière et les sacs de frites. Au beffroi de l’Hôtel de ville aussi, les services de la mairie s’affairent. Les conseillers municipaux s’apprêtent en effet à élire les 15 délégués supplémentaires, qui viendront alimenter le cortège des grands électeurs des élections sénatoriales du 24 septembre prochain. Dans les communes de plus de 30 800 habitants comme Arras, les 43 conseillers municipaux participent de droit aux élections sénatoriales. Mais pour faire un peu mieux correspondre le poids des villes dans l’élection à leur population, ces grandes villes désignent des « délégués supplémentaires », qui sont élus par le conseil municipal au scrutin de liste proportionnel.

La désignation des 160 000 grands électeurs du collège électoral

  • 1900 conseillers régionaux et 4000 conseillers départementaux sont délégués de droit
  • Les conseillers municipaux des villes de plus de 9000 habitants sont délégués de droit
  • Des délégués sont élus par et parmi les conseillers municipaux des villes de moins de 9000 habitants
  • Un délégué supplémentaire tous les 800 habitants est élu dans les villes de plus de 30 800 habitants

L’enjeu n’est pas tant politique que citoyen, explique le maire centriste d’Arras, Frédéric Leturque : « Cette élection, c’est un enjeu politique au sens noble, puisque ce sont des élus qui choisissent des citoyens pour défendre l’intérêt général. Le Sénat, c’est le trait d’union entre la politique nationale et les territoires, certains y verront un rendez-vous politicien, mais c’est un rendez-vous politique et citoyen. » Pour joindre les actes à la parole, la liste de la majorité municipale est principalement composée « d’Arrageois engagés dans la vie associative et la vie de la cité », explique le maire, qui assure que « quels que soient les grands électeurs qui seront désignés, je ne leur passerai aucune consigne de vote. » Finalement, 14 des 15 délégués supplémentaires désignés sont issus de la majorité municipale qui compte 35 conseillers municipaux sur 43, tandis que l’opposition écologiste remporte un délégué supplémentaire, pour quatre conseillers municipaux, et le Rassemblement national aucun pour deux conseillers municipaux.

Images et interview : Jonathan Dupriez et Audrey Vuetaz

« Je n’ai de comptes à rendre à personne, mais j’avoue que j’aime bien Monsieur le Maire »

C’est le cas de Michèle, retraitée, et présidente du centre social Georges Brassens dans le centre-ville d’Arras. « Sur le moment je n’étais pas très contente parce que je n’aime pas me mettre en avant, mais quand il faut y aller on y va, je fais mon devoir je crois », estime cette figure du milieu associatif arrageois. « Je suis fière que M. le maire nous fait confiance, c’est sa façon de nous remercier pour ce qu’on fait pour la ville. » Le 24 septembre prochain, les grands électeurs désignés ce vendredi devront pourtant voter pour l’une des listes présentes dans le Pas-de-Calais, où la situation s’annonce assez tendue, entre une gauche divisée, une majorité présidentielle qui ne sait pas vraiment sur quel pied danser, et un Rassemblement National en position d’obtenir un siège.

Michèle assure que, dans l’isoloir, elle « n’aura de compte à rendre à personne », mais avoue en même temps « qu’elle aime beaucoup Monsieur le maire. » D’après elle, « ce n’est pas une histoire de politique », elle ne connaît d’ailleurs même pas son étiquette, confie-t-elle. Cette désignation de délégués supplémentaires aux élections sénatoriales constitue est donc aussi une occasion de renforcer les liens entre les écosystèmes politiques et associatifs, à l’échelle locale, et pour la majorité municipale de se forger des relais dans la vie locale.

Autre délégué désigné sur la liste de la majorité municipale, Enzo, 22 ans, votera donc aux élections sénatoriales le 24 septembre prochain. Costume bien ajusté, l’étudiant à l’IEP de Lille y voit un moyen d’approfondir son « implication » dans sa commune, lui qui était membre du conseil municipal des jeunes d’Arras. Être désigné grand électeur, c’est ainsi un pas de plus dans la vie politique locale pour des jeunes qui font leur apprentissage politique, tant sur le plan scolaire que – peut-être plus tard – sur le plan électoral.

« La campagne commence »

Un seul délégué supplémentaire d’opposition aura donc été désigné ce vendredi, pour les écologistes. Ceux-ci ne se leurrent pas sur leurs chances de gagner un siège dans le Pas-de-Calais, où la gauche compte actuellement trois sièges sur sept, avec la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly, Jean-Pierre Corbisez, membre du PS qui siège au Sénat chez les radicaux (RDSE), étant parti en dissidence en 2017, et Sabine Van Heghe, parti chevènementiste MRC. « Le Pas-de-Calais est un territoire de conquête pour les écologistes, mais avec le dérèglement climatique qui commence à toucher les communes rurales, beaucoup d’élus qui n’étaient pas écologistes commencent à se questionner », estime ainsi Alexandre Cousin, conseiller municipal et régional EELV, qui veut voir le verre à moitié plein : « La campagne commence, on va essayer de convaincre les grands électeurs de la majorité. C’est l’occasion de parler de fond et de convaincre. Le rôle d’une sénatrice ou d’un sénateur, dans un département comme le nôtre, c’est une vraie prise pour discuter avec certains et certaines. »

Les deux conseillers municipaux du Rassemblement national n’auront donc – sans surprise – pas pu envoyer de grand électeur supplémentaire, contrairement aux écologistes. Mais contrairement aux écologistes aussi, le RN est en position de gagner un siège dans le département, après de bons résultats aux municipales de 2020. Christopher Szczurek, adjoint de Steeve Briois à Hénin-Beaumont, pourrait ainsi être envoyé à la chambre haute par un parti qui ne compte plus de représentant au Sénat depuis la défection de Stéphane Ravier à Reconquête. Le cas échant, ce ne sera pas particulièrement grâce aux voix d’Arras, fief d’abord socialiste de l’après-guerre à 1995, puis centriste depuis la conquête de la mairie par Jean-Marie Vanlerenberghe, depuis devenu sénateur. Alban Heusele, conseiller municipal et régional RN, y voit un mode de scrutin qui « désavantage les petites villes », où le parti de Marine Le Pen est plus puissant. En tout état de cause, le Pas-de-Calais reste l’un des meilleurs espoirs du RN pour mettre un pied dans la porte au Sénat.

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