Narcotrafic : le Sénat limite les nullités de procédures provoquées par certains avocats

A la reprise de l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, les sénateurs ont adopté un point sensible et technique du texte qui porte sur les droits de la défense. Certains avocats usent des « lacunes » du code de procédure pénale pour provoquer des nullités de procédure et ainsi en faire bénéficier leur client mis en examen dans une affaire de criminalité organisée. Le Sénat compte y remédier.
Simon Barbarit

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Pour ce deuxième jour d’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, les sénateurs sont rentrés dans le dur en abordant les articles ayant trait au code de procédure pénale. Une partie technique du texte mais qui n’en est pas moins primordiale dans la lutte contre la criminalité organisée. « Vous avez des détenus qui envoient des dossiers de plus de 150 pages au magistrat instructeur. A l’intérieur, il y a une phrase où il demande sa remise en liberté. Si on ne la voit pas et donc on n’y répond pas dans les délais, le détenu sort », avait expliqué en novembre dernier à publicsenat.fr, Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l’Union Syndicale des Magistrats (USM).

Ce soir, les sénateurs ont adopté l’article 20 visant à limiter le poids des nullités « provoquées » par certains avocats de narcotrafiquants, « lorsque la cause de nullité résulte d’une manœuvre ou d’une négligence de la personne mise en cause ».

« À aucun moment les avocats n’ont été accusés d’être complices des narcotrafiquants »

Un amendement de la commission des lois est venu préciser cet article. « Des avocats se sont offusqués » […] à aucun moment les avocats n’ont été accusés d’être complices des narcotrafiquants […] Le rôle d’un avocat, c’est de défendre son client. Et les clients sont rarement innocents. C’est ainsi », a estimé la rapporteure LR du texte, Muriel Jourda, provoquant quelques exclamations sur les bancs de l’hémicycle. « S’il n’y avait que des innocents, on n’aurait nul besoin d’avocats », a-t-elle maintenu.

La rapporteure a indiqué que la commission d’enquête sur le narcotrafic avait pu constater que « ces manœuvres ont pu être possibles par un embouteillement des greffes, un courrier envoyé à une adresse imprécise… », c’est pourquoi l’amendement précise certains points dans le code de procédure pénale. Il interdit, par exemple, la désignation de l’avocat « chef de file » par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les affaires de criminalité organisée. Il prévoit aussi que le dernier mémoire déposé par les parties doit reprendre l’ensemble des moyens de nullité, pour garantir la clarté des débats, ou encore il rejette les nullités fondées sur des moyens de communication non agréés, comme EncroChat et Sky ECC.

Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin a souhaité, sans succès, sous-amender ces dispositions afin de corriger un peu plus « les lacunes » du code. Il souhaitait notamment réduire le délai pour déposer une requête en nullité au cours de l’instruction judiciaire à 3 mois contre 6 mois actuellement. « Dans un but purement dilatoire, certains attendent le dernier jour pour déposer une requête en nullité concernant un acte de l’information judiciaire. De telles pratiques allongent considérablement les délais de traitement des procédures et fragilisent les enquêtes », justifie-t-il.

« On parle de gens qui sont en détention provisoire pour une affaire de criminalité organisée, la menace de sécurité publique numéro 1 […] Passer de 6 mois à 3 mois, ce n’est pas la suppression des droits de la défense », a-t-il appuyé.

L’avocat pénaliste et sénateur LR, Francis Szpiner n’était pas de cet avis. « La première chose pour déposer une requête en nullité, c’est d’avoir la copie du dossier. Pour que les greffiers puissent vous obtenir le dossier en disque, ça prend au moins un mois et demi […] En trois mois, vous ne pouvez pas exercer les droits de la défense », a-t-il estimé.

 

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