Paris: Marie Toussaint Les Ecologistes elections europeennes 2024

Parole d’eurodéputé : « Le travail parlementaire au niveau européen n’a rien à voir avec ce qu’on fait en France », explique David Cormand

[SERIE] Le Parlement européen raconté par ses eurodéputés. Pour mieux comprendre le travail à Bruxelles et Strasbourg, la parole à ceux qui font vivre l’institution : les eurodéputés. L’écologiste David Cormand se souvient du « moment d’émotion » du Brexit, puis la « fierté », lors du vote du Pacte vert, où l’eurodéputé a eu le sentiment de « peser sur le réel ». « Si les Verts n’avaient pas été là, l’obsolescence prématurée n’aurait pas été interdite », illustre David Cormand.
François Vignal

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Au fait, comment ça se passe le travail d’un parlementaire européen ? A l’occasion des élections européennes du 9 juin, publicsenat.fr donne la parole aux eurodéputés sortants. Plus qu’un bilan de la mandature qui s’achève, ils nous parlent de leurs victoires, leurs échecs ou regrets aussi, pour mieux comprendre le fonctionnement spécifique du Parlement européen. La parole pour commencer à David Cormand, eurodéputé des Ecologistes (ex-EELV), qui figure à la seconde place de la liste menée par Marie Toussaint.

« Le Pacte vert, c’est l’aboutissement d’un travail politique, autant des Verts que de la société civile mobilisée »

Pour David Cormand, élu pour la première fois au Parlement lors des européennes de 2019, le Brexit reste l’une des épisodes marquants des cinq dernières années. « Un moment fort, émouvant, et à la fois difficile, ça a été la dernière séance des Anglais, quand il y a eu le Brexit effectif, quand ils sont sortis le 1er janvier 2020. C’était le symbole d’une première régression, au sein de l’Union européenne », se rappelle David Cormand. L’ancien numéro 1 d’EELV souligne que « ce qui est extraordinaire au Parlement européen, c’est que c’est la seule fois dans l’histoire de l’humanité que plusieurs nationalités siègent ensemble. Donc avoir un des pays qui s’en va, c’était un moment d’émotion difficile ».

En parallèle, pour David Cormand, « le moment le plus positif, c’était les avancées du Pacte vert. C’est vraiment un aboutissement d’un travail politique, autant des Verts que de la société civile mobilisée. C’est grâce aux mobilisations de 2019 pour le climat que le Pacte vert s’est imposé en Europe. C’était un moment de fierté, même si le pacte est en danger aujourd’hui ».

« Le travail parlementaire au niveau européen n’a rien à voir avec ce qu’on fait en France »

Difficile pour l’eurodéputé écologiste de ne retenir qu’une mesure de ce « Green deal », son nom en anglais. « L’intérêt du Pacte vert, c’est qu’il s’articule, il est transversal. Il y a 66 textes en tout aujourd’hui. Cela forme une trame. On ne peut pas le découper. C’est pour ça que c’est absurde de décréter une pause réglementaire. On ne peut pas s’arrêter au milieu du gué », souligne David Cormand. « Après, la mesure la plus emblématique, c’est l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030, par rapport à 1990, et la neutralité carbone en 2050. C’est la boussole principale. Ensuite, le fait d’acter la fin du moteur thermique, c’est très signifiant d’un point de vue civilisationnel. C’est la matérialisation de la sortie de l’air carbone. La voiture est la quintessence de notre société de consummation (sic). Mais le revers de la médaille, l’ambiguïté, c’est que ça ne se décline pas en changement d’usage. Pour les écolos, ça passe par la réduction de la place de la voiture, avec d’autres modes de transport. Pour d’autres, c’est le même usage mais on roule à l’électricité », tempère l’eurodéputé des Ecologistes. Il cite une autre victoire, au sein du Pacte vert :

 Même si le texte a été vidé en grande partie de son sens, le fait d’avoir sauvé le texte sur la restauration de la nature, c’est assez unique sur la question de la biodiversité. 

David Cormand, député européen des Ecologistes (ex-EELV)

Au Parlement européen, le compromis est la règle. Des choses sont possibles, même si votre groupe n’est pas le plus important. « Le travail parlementaire au niveau européen n’a rien à voir avec ce qu’on fait en France. Vous avez des marges de manœuvre pour pousser des sujets, pousser votre ligne. Vous pesez sur le réel, à la hauteur du poids politique de votre groupe, votre capacité de conviction, votre habileté à convaincre, à construire des alliances. C’est en cela que c’est un vrai lieu de démocratie », explique David Cormand.

« C’est là que Sandro Gozi, un Italien élu sur la liste LREM, m’a aidé »

« Peser sur le réel », pour l’eurodéputé, « c’est typiquement l’interdiction de l’obsolescence prématurée des produits de consommation. Le Parlement l’a voté dans le cadre du Pacte vert. C’est le paquet législatif sur l’économie circulaire dans lequelle j’étais engagé ». David Cormand raconte : « En début de mandature, il y a eu un rapport d’initiative dans lequel je me suis battu pour inscrire l’interdiction de l’obsolescence prématurée. En commission, j’ai été mis en minorité car la droite, l’extrême droite et les centristes ont voté contre. Mais ensuite, on s’est organisés et on a fait un amendement en séance plénière pour réintroduire ce qu’on avait perdu en commission. Et on a gagné à 4 voix sur l’interdiction de l’obsolescence ».

Et alors que la campagne électorale clive aujourd’hui les débats entre candidats, l’eurodéputé explique que cette victoire s’est faite « avec les voix de gauche, mais aussi la moitié des voix Renew (groupe où siège les macronistes), dont tous les Français. C’est là que Sandro Gozi, un Italien élu sur la liste LREM, m’a aidé. Dans la foulée, il y a eu le texte législatif de la commission. Et comme il y a eu mon rapport d’initiative, ils ont dû s’en inspirer un peu. Et ensuite, on a réussi à gagner avec le Conseil. Mais si les verts n’avaient pas été là, l’obsolescence prématurée n’aurait pas été interdite ».

L’exemple donné par David Cormand illustre la culture du compromis et le parcours, souvent complexe, d’un texte à Strasbourg et à Bruxelles, les deux villes qui se partagent le siège du Parlement. « C’est la culture parlementaire européenne. Vous ne gagnez jamais seul, par définition », rappelle le candidat.

David Cormand regrette « le vote sur le retour des règles austéritaires, on revient à la norme du Pacte de stabilité »

Le Parlement, ce sont aussi des échecs. Tous les votes n’ont pas été comme les écologistes l’auraient souhaité, évidemment. L’examen des derniers textes de la mandature, pas plus tard que cette semaine, n’a pas été dans le bon sens, pour les écolos.

« Les deux choses les plus graves, c’est le vote sur le retour des règles austéritaires. On revient à la norme du Pacte de stabilité, sur les règles de déficit. Il n’y avait aucune urgence à voter ça. C’est clairement une coalition entre droite, centristes et socialistes. C’est un gros renoncement sur le volontarisme budgétaire et financier. Cela veut dire qu’il n’y aura pas d’argent pour financer le Pacte vert. Et l’autre, ce sont les règles environnementales dans la PAC (Politique agricole commune), qui ont été allégées. On fait payer à l’environnement la crise agricole, pour satisfaire des lobbys. Ce sont les deux grands reculs », dénonce le numéro 2 de la liste Toussaint.

« L’Union européenne, c’est à la fois une démocratie inachevée et une forme de démocratie la plus avancée de l’histoire du monde »

Reste qu’aux yeux de l’eurodéputé, siéger au Parlement est une chance. « Ce qui est très important à comprendre, c’est la différence de points de vue des autres pays. C’est ça qui est exceptionnel. Ce qui fait qu’à Strasbourg aujourd’hui, au lieu d’avoir des tranchées, il y a des gens qui se parlent. Sur les cicatrices des frontières, on a construit des parlements. Et parlement, ça veut dire se parler », rappelle David Cormand. Cet européen convaincu conclut : « L’Union européenne, c’est à la fois une démocratie inachevée mais aussi une forme de démocratie la plus avancée de l’histoire du monde, car cela dépasse même le cadre de l’Etat-Nation. C’est un sacré « machin », quand même, comme disait l’autre… »

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