Après la polémique, le spectacle nocturne du Puy du Fou « sera éligible » au pass Culture, annonce Rachida Dati

Les jeunes de 15 à 18 ans pourront désormais utiliser l’application culturelle du gouvernement pour assister au son et lumière du célèbre parc vendéen, a fait savoir Rachida Dati, la ministre de la Culture, devant le Sénat. En revanche, le reste du parc du Puy du Fou, au même titre que l’ensemble des parcs à thème, ne peut être rendu éligible à ce dispositif.
Romain David

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Il sera bientôt possible d’utiliser le pass Culture pour assister à La Cinéscénie, le grand spectacle nocturne Puy-du-Fou. La ministre de la Culture, Rachida Dati, a fait cette annonce jeudi après-midi, en marge d’un débat organisé au Sénat sur l’avenir du pass. Ces derniers temps, plusieurs élus de droite sont montés au créneau après avoir appris que le célèbre parc de loisirs vendéen, centré sur l’histoire de France, s’était vu retoqué de ce dispositif d’offres culturelles réservé aux jeunes de 15 à 18 ans.

« Il y avait eu une demande pour l’ensemble du parc, intégrant le spectacle. Il y avait eu une réponse défavorable car les parcs d’attractions ne sont pas éligibles, les spectacles oui. Et donc cette entreprise avait refait une demande et n’avait pas eu de réponse. Je m’étais engagée à regarder. Depuis, je peux vous dire que le spectacle du Puy-Du-Fou est éligible au pass Culture », a expliqué Rachida Dati devant les élus.

Quelques minutes plus tôt, la ministre avait été interpellée par le sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson, qui a notamment épinglé le travail du comité stratégique, en charge de sélectionner les offres culturelles concernées par le pass : « Ces dirigeants usent trop de leur pouvoir pour se faire plaisir. Est-ce vraiment leur rôle d’imposer à tous leur subjectivité comme règle de droit en omettant trop souvent les attentes du public ? Est-ce vraiment leur rôle d’exposer de la sorte le pass Culture à des polémiques qui dégradent l’image d’une structure pourtant appréciée des Français ? », s’est-il agacé.

« Vive le Puy du Fou ! Cet admirable écrin de spectacles vivants qui puisent au sein du roman national et qui, en plus, exporte son concept mémoriel fédérateur », a voulu saluer son collègue Olivier Paccaud, regrettant toutefois que l’ensemble du parc, qui accueille de nombreux autres spectacles, ne puisse pas bénéficier du pass Culture, étant considéré comme un parc d’attractions. « Ce n’est pas le Puy du Fou qui est rentré dans le pass Culture, c’est le spectacle du Puy du Fou », a insisté Rachida Dati.

« Il n’y a pas d’entre-soi mais de la curiosité, de la découverte et des questionnements »

Fondé en 1989 par Philippe de Villiers, le Puy du Fou a accueilli 2,8 millions de visiteurs en 2024, en troisième position derrière Disneyland et le Parc Astérix, avec lequel il est désormais au coude-à-coude en termes de fréquentation. Le parc a également reçu de nombreuses récompenses au fil des années. En mars dernier, son spectacle « Le Mime et l’Etoile » s’est vu décerner le prix du « meilleur spectacle du monde », par la Themed Entertainment Association, organisation de référence outre-Atlantique sur les parcs à thèmes. Pour autant, le Puy du Fou a également fait l’objet de nombreuses critiques, de la part d’historiens notamment, qui lui reprochent de véhiculer une vision très sélective de l’histoire de France.

« Je ne doute pas que si jamais il y a une dépêche AFP ou Public Sénat sur nos débats, ce sera pour signaler que le Puy du Fou est rentré dans la programmation du pass Culture !, » a ironisé la sénatrice socialiste de Paris Colombe Brossel.

« Les sourires appuyés à gauche de cet hémicycle renvoient à cet entre-soi dont nous avons parlé », a épinglé Max Brisson alors que quelques rires ont éclaté parmi les bancs de la gauche à l’annonce de Rachida Dati. « Je suis allé 15 fois au Puy du Fou de par mes attaches familiales. Je connais par cœur tous les spectacles créés au fur et à mesure des années. De ce côté-ci, il n’y a pas d’entre-soi mais de la curiosité, de la découverte et des questionnements », a défendu Adel Ziane, sénateur PS de Seine-Saint-Denis.

Les écueils d’une « approche consumériste de la culture »

Le 17 janvier dernier, au terme d’une séance assez confuse, le Sénat a adopté dans le cadre du projet de loi de finances 2025 des crédits culture en légère hausse. Les sénateurs ont toutefois amputé de 35 millions d’euros le budget du pass Culture, remettant en cause l’efficacité de ce dispositif mis en place en 2021 et parfois qualifié de « totem présidentiel ».

« En décembre dernier la cour des Comptes a confirmé les nombreuses limites du dispositif, insistant sur son dérapage budgétaire. La commission de la culture du Sénat s’est toujours montrée dubitative sur ce choix d’une politique de l’offre qui entretient une approche consumériste de la culture, peu compatible avec les objectifs de diversification culturelle », a estimé ce jeudi le sénateur centriste Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

« Sur le plan quantitatif, les résultats sont là. Plus de 4 millions de jeunes sont passés par le volet individuel du pass Culture, ce qui représente 87 % des jeunes de 18 ans », a défendu la ministre, tout en reconnaissant certaines disparités. « On observe des tendances très fortes en faveur de pratiques bien identifiées : le spectacle vivant ne consomme que 6 % du pass et les musées moins de 1 % alors qu’ils représentent l’essentiel de la part collective. Il y a un vrai problème de médiation », a-t-elle concédé.

Le pass Culture se scinde en deux volets, une part dite « collective », qui permet de financer des activités d’éducation artistique et culturelle dans le cadre scolaire, du collège à la terminale, et une part dite « individuelle ». Celle-ci est réservée aux 15-18 ans et se présente sous la forme d’une application grâce à laquelle il est possible de disposer d’un crédit, à utiliser librement sur une série d’activités culturelles. Or, l’usage de cette part individuelle, entièrement financée par le ministère de la Culture, interroge de plus en plus les élus, qui estiment qu’elle ne permet pas de s’émanciper de certains déterminants sociaux, familiaux ou territoriaux, et donc d’élargir les perspectives culturelles des publics concernés.

« La part individuelle du pass Culture coûte à l’Etat près de 250 millions d’euros par an, le triple de la part collective », a voulu rappeler la sénatrice centriste du Calvados Sonia de la Provôté. « J’ai été très surprise de découvrir que l’on avait dépensé 16 millions d’euros pour les escape games. Je n’ai rien contre les escape games, mais je crois qu’il ne faut pas confondre culture et divertissement. Ça me choque quand je vois que nos structures de spectacles vivants bénéficient de peu par effet dominos. Il y a un vrai sujet », a pointé sa collègue Catherine Morin-Desailly, élue de la Seine-Maritime.

Un effet bénéfique sur les achats de livres

Néanmoins, les parlementaires se sont accordés pour reconnaître que le pass avait été particulièrement bénéfique à certains secteurs, notamment les librairies. « Les libraires en témoignent, tous ont vu des jeunes franchir pour la première fois leurs portes, écouter leurs conseils et revenir une fois le pass utilisé », a pointé Laurent Lafon. « J’ai toujours voté contre le pass Culture, parce que j’ai toujours estimé que la culture c’était d’abord de la médiation, et puis mon libraire, à Bourg-la-Reine, m’a attrapé : ‘Ecoute Pierre, le pass culture, c’est 10 % de mon chiffre d’affaires’ », a également rapporté le communiste Pierre Ouzoulias.

De son côté, Rachida Dati s’est engagée à apporter davantage « de transparence et d’objectivité » dans les critères de sélection, tandis que le comité stratégique devrait être prochainement refondu. Cette instance compte actuellement treize membres, pour moitié nommés sur proposition de l’Etat. « Pour certains membres, je ne voyais pas le lien avec l’accès à la culture », a reconnu la ministre.

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