Reception Eric Coquerel budget Bercy – Paris

Loi spéciale : sans budget pour 2025, l’Etat fait-il des économies ?

Avec la censure du gouvernement Barnier, la France n’a pas pu se doter d’un nouveau budget avant le début de l’année 2025. Dans ce contexte, le vote d’une loi spéciale a reconduit les dépenses de 2024, en l’attente de l’adoption d’un projet de loi de finances. Une situation qui pourrait être avantageuse pour les dépenses publiques, mais ne saurait être prolongée trop longtemps.
Rose Amélie Becel

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L’absence de budget pour 2025 serait-elle finalement une bonne nouvelle pour les comptes publics ? La loi spéciale, qui reconduit les crédits du projet de loi de finances pour 2024 en attendant le vote d’un texte pour 2025, pourrait en tout cas avoir des effets positifs sur les dépenses de l’Etat. Selon Les Echos, l’application de la loi spéciale entraînerait en effet environ 1,5 milliard d’euros d’économie par mois, par rapport à 2024.

Dans ce contexte où les dépenses sont limitées au strict nécessaire, pour assurer le fonctionnement des institutions, le budget général de l’Etat reste le même que celui de 2024 : 582 milliards d’euros. Or, si les dépenses de l’Etat avaient suivi leur évolution tendancielle en 2025, c’est-à-dire à politique inchangée par rapport à l’an passé, elles auraient augmenté d’environ 3 %, pour atteindre 600 milliards d’euros. Une hausse qui s’explique par des dépenses incompressibles, à l’image de l’évolution du salaire de certains fonctionnaires en raison de leur ancienneté, par exemple.

Si la loi spéciale s’appliquait toute l’année, l’Etat réaliserait 11 milliards d’euros d’économies

Aujourd’hui, concluent Les Echos, le ministère de l’Economie table sur cet écart entre les crédits actuellement reconduits pour 2025 et la croissance qu’ils auraient dû connaitre, pour faire des économies. Un constat confirmé par un parlementaire Les Républicains auprès de Public Sénat, il espère de son côté 2 milliards d’euros d’économies supplémentaires grâce à la loi spéciale.

Il faudra toutefois faire bien plus pour réduire le déficit, qui a atteint 6,1 % du PIB en 2024 selon les dernières données de Bercy. Si le nouveau gouvernement a revu son objectif à la baisse, en visant un déficit de 5,4 % du PIB pour 2025 contre les 5 % fixés par Michel Barnier, la marche reste encore haute et la seule loi spéciale ne permettra pas de la franchir. Dans une note publiée le 22 décembre par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les économistes estiment à seulement 11 milliards d’euros les économies que l’Etat pourrait réaliser en 2025, dans le cas – hautement improbable – où la loi spéciale s’appliquait pendant toute l’année.

« Dans nos calculs, nous avons gelé toutes les dépenses publiques qui ont besoin d’un texte législatif pour être modifiées, par exemple le recrutement de nouveaux fonctionnaires, et reconduit les dépenses qui ne pouvaient pas être gelées. Sur la base de ces hypothèses, nous arrivons à 5 milliards d’euros d’économies, auxquelles il faut ajouter environ 6 milliards d’euros de hausse de prélèvements obligatoires », explique l’économiste Raul Sampognaro, co-auteur de la note de l’OFCE. Un chiffre bien loin des 50 milliards d’euros d’économies attendus par le nouveau ministre Eric Lombard.

Entre 0,2 et 0,3 point de croissance en moins pour 2025

D’un point de vue plus global, la censure du gouvernement de Michel Barnier a également plongé la France dans une période d’incertitude économique. Dans sa note de conjoncture du mois de décembre, l’Insee anticipait déjà un timide début d’année en matière de croissance économique, de l’ordre de 0,2 % du PIB au premier trimestre de 2025.

Alors que les indicateurs passaient petit à petit au vert, le mois de janvier s’annonce donc finalement moins clément que prévu, observe Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO France : « Avant la censure du gouvernement, les indicateurs étaient plutôt en train de s’améliorer, avec une forte diminution annoncée de l’inflation pour 2025 et une hausse des salaires qui conduisait à des gains de pouvoir d’achat. » Si l’inflation amorce bien une forte baisse – avec une prévision de 1,6 % en 2025 selon la Banque de France, contre plus de 2 % en 2024 – l’incertitude actuelle incite les ménages et les entreprises à la prudence, ce qui freine la croissance.

« L’investissement des entreprises est de nouveau négative cette année, alors que nous attendions sa reprise. D’un autre côté, la consommation des ménages repart à la hausse, mais de façon bien moins importante que prévue et avec un taux d’épargne qui reste très élevé. La mauvaise nouvelle, c’est que cela nous coûte entre 0,2 et 0,3 point de croissance en moins pour 2025 », explique Anne-Sophie Alsif. C’est dans ce contexte économique morose que les parlementaires reprendront l’examen du budget, prévu au Sénat à partir du mercredi 15 janvier.

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