« Je pensais que j’aurais eu quelques voix, j’étais déçu », confie Cyril Linette, candidat malheureux à la présidence de la Ligue de Football Professionnel (LFP) devant la commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football. Le 10 septembre, la LFP a renouvelé Vincent Labrune à sa tête, une élection à laquelle Cyril Linette, passé par Canal + et ancien directeur général du journal L’Equipe et de PMU, n’était pas sûr de participer. Alors même que le président sortant, Vincent Labrune était en pleine tourmente après une diminution historique du montant des droits de retransmission télévisuels du football professionnel français, son concurrent proposait une refonte globale du modèle économique de la LFP.
Pour briguer la présidence, les candidats doivent d’abord obtenir des parrainages de la part de l’Union des acteurs du football (UAF) regroupant les représentants des associations de joueurs, entraîneurs et éducateurs, arbitres, médecins et administratifs et professions assimilées. Après intervention de la ministre démissionnaire des sports, Amélie Oudéa-Castéra, Cyril Linette a finalement obtenu les parrainages nécessaires, sous réserve de démissionner du Conseil d’administration s’il n’était pas élu président de la LFP.
Cyril Linette ne sait pas encore s’il va démissionner de son poste au conseil d’administration
« Lorsque j’ai annoncé ma candidature, Philippe Piat [président de l’UNFP] m’a annoncé qu’il ne pourrait pas donner plus de 3 parrainages. Lorsque j’ai compris que je ne serai pas candidat parce que je n’aurai pas le parrainage des familles, la ministre m’a appelé et j’ai beaucoup râlé », explique Cyril Linette. « La ministre a cherché une solution, une solution imparfaite », continue l’ancien directeur général de L’Équipe qui ajoute qu’il a néanmoins « accepté plutôt volontiers » cette solution, confiant dans les chances de son projet. Malgré la révision des parrainages de l’UAF en faveur de Cyril Linette, celui-ci devait démissionner s’il ne parvenait pas à se faire élire à la tête de la LFP. Encore indécis, l’ancien journaliste a précisé ses intentions devant les sénateurs : « J’ai une réunion avec le conseil d’administration la semaine prochaine. Je n’ai pas eu de pression particulière. Plusieurs présidents membres du CA m’ont demandé de rester. Il faut que je sois sûr de pouvoir servir à quelque chose. »
« Je pense que quand on est président de la LFP on a la main sur plusieurs leviers économiques qui sont très utiles en période électorale »
Les difficultés rencontrées par Monsieur Linette ont illustré un mode d’élection particulier rendant presque impossible pour un acteur extérieur de se présenter face au président sortant. « Je pense que quand on est président de la LFP on a la main sur plusieurs leviers économiques qui sont très utiles en période électorale », déplore Cyril Linette. Le rapporteur de la commission d’enquête sur la financiarisation du football, Michel Savin, a d’ailleurs interrogé le candidat sur la modification du mode d’élection du président de la LFP, et plus particulièrement sur la diminution du nombre d’administrateurs indépendants parmi lesquels le président est choisi.
En 2022, la LFP a validé, avec l’aval du ministère des sports, une réforme faisant passer de cinq à trois le nombre d’administrateurs indépendants présents au Conseil d’administration. « Je pense que cette réforme a été présentée sous un angle de réduction du nombre d‘administrateurs pour une meilleure efficacité, c’est probablement ce point qui a convaincu les pouvoirs publics de valider cette proposition de changement de composition du board », avance le candidat pour expliquer l’aval de la ministre. Un argument qui permettait également d’écarter des concurrents potentiels. « La difficulté c’est qu’en passant à trois administrateurs indépendants au lieu de cinq de manière mécanique et assumée, on rendait impossible ou quasiment impossible l’émergence d’un concurrent », continue Cyril Linette. « Sur ces trois administrateurs indépendants, demeurait le président sortant, un représentant de la FFF qui n’a pas pour nature de candidater à la présidence, et un membre des familles du foot qui n’est pas non plus concurrent », poursuit Cyril Linette qui considère que la volonté de l’UAF d’être représentée au conseil d’administration l’empêchait de recevoir un parrainage de leur part.
Un calendrier électoral contesté
Par ailleurs, le président de la commission, Laurent Lafon, a interrogé l’ancien candidat sur la temporalité de l’élection et le faible temps de campagne, alors même que le dossier de la vente des droits TV avait été conclu très tardivement, au 31 juillet soit seulement quelques jours avant la reprise du championnat. « Je pense que c’est un choix qui a été fait sciemment de la part de la LFP. Compte tenu de l’été très agité qui s’est déroulé, il aurait été probablement de bonne politique d’avoir une élection en octobre ou en novembre. La ligue 2 s’est prononcée pour le report de l’élection, elle n’a pas été entendue », regrette Cyril Linette. Malgré ce délai réduit, et grâce à une importante tournée médiatique, l’ancien directeur général de L’Équipe est tout de même parvenu à dérouler son programme. Une vision particulièrement critique de la gestion opérée par Vincent Labrune depuis sa première élection en septembre 2020. Une critique qui concerne principalement la dégradation de la santé financière des clubs français, aujourd’hui dépendants du montant des droits TV et des transferts de joueurs. L’accord trouvé entre la LFP et DAZN et BeIn sports pour la diffusion de la Ligue 1 entérine une diminution de 124 millions du montant des droits TV (passant de 624 à 500 millions d’euros).
« C’est catastrophique d’avoir cassé le lien avec Canal + »
Une dépendance du football français à des recettes instables qui selon Cyril Linette fait craindre un déclassement du football français. « C’est catastrophique d’avoir cassé le lien avec Canal +, ça plaçait le football à un niveau différent », juge Cyril Linette en référence au froid entre la LFP et la chaîne cryptée depuis la précédente attribution des droits TV. Enfin, l’ancien journaliste a fait écho au contrôle effectué par Michel Savin dans les locaux de la LFP au cours duquel, le rapporteur avait fustigé le train de vie de la ligue. « Il faut diminuer le salaire du président de la LFP. Il peut très bien atteindre 600 000 euros à l’année, mais il faut qu’il y ait une plus large part variable et liée aux résultats », a affirmé Cyril Linette.