Le Premier ministre Michel Barnier a engagé lundi la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, avec le recours au 49.3. Le gouvernement devrait donc chuter dès mercredi, le Rassemblement national et la gauche ayant annoncé qu’ils voteraient la censure. Au micro de Public Sénat, le patron des sénateurs socialistes, Patrick Kanner estime que « le grand responsable de tout ce chaos est Emmanuel Marcon ».
Michel Barnier veut réduire « sensiblement » les soins pris en charge par l’Aide médicale d’Etat (AME), un dispositif déjà dans le viseur du Sénat
Par Romain David
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Pour éloigner le spectre de la censure, Michel Barnier a multiplié les annonces budgétaires jeudi, avec la révision de plusieurs dispositifs d’économies, dénoncés comme autant de lignes rouges par le Rassemblement national, désormais en position de force à l’Assemblée nationale. Dans une interview au Figaro, le Premier ministre indique vouloir renoncer à l’augmentation de la taxation de l’électricité, il salue le compromis trouvé en commission mixte paritaire sur les allégements de charge pour faire baisser le coût du travail, et annonce aussi une diminution « sensible » du panier de soins pris en charge par l’Aide médicale d’Etat (AME). « En outre, nous allons engager dès l’an prochain une réforme de l’AME pour éviter les abus et les détournements », précise-t-il. Déjà fin septembre, le chef du gouvernement avait déclaré n’avoir « ni tabou, ni totem » sur l’AME.
Une annonce qui tombe à point nommé, alors que le Sénat, en plein examen du projet de loi de finances pour 2027, se penchera lundi 2 décembre sur ce dispositif, qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins, dans le viseur de la droite et de l’extrême droite depuis de nombreuses années. Lors de la dernière présidentielle, Marine Le Pen avait d’ailleurs indiqué vouloir lui substituer une « aide vitale d’urgence ».
Près d’un an après avoir voté la suppression de l’AME pendant les débats sur la loi immigration – suppression finalement abandonnée sous la pression du gouvernement –, la droite sénatoriale remet le métier sur l’ouvrage. En marge des débats dans l’hémicycle, la commission des finances du Sénat a déjà adopté deux amendements du rapporteur LR Vincent Delahaye, qui réduisent drastiquement la portée de l’AME, sans pour autant la supprimer.
Le premier amendement modifie le régime de prise en charge des frais relatifs à des prestations médicales non urgentes. Il prévoit de soumettre systématiquement leur remboursement à un accord préalable des caisses primaires d’assurance maladie. Cet accord existe déjà, mais aujourd’hui il ne concerne que les bénéficiaires dont l’admission à l’AME remonte à moins de neuf mois, sauf si un renoncement à ces soins représente un risque grave pour leur état de santé.
La modification proposée par le Sénat casse donc l’automaticité du système pour les soins non urgents ; elle étend l’examen des demandes de remboursement pour ce type de prestation à l’ensemble des bénéficiaires de l’AME, quelle que soit l’ancienneté de leur adhésion.
Une baisse des crédits de l’AME de 200 millions d’euros
Le second amendement tire les conclusions du premier et anticipe la baisse du remboursement de certaines prestations. Il réduit de 200 millions d’euros le montant des crédits prévus pour l’AME en 2025, à 1,3 milliard d’euros dans la copie du gouvernement. Le budget initialement prévu par l’exécutif est en hausse de 9,2 % par rapport à 2024, du fait de l’augmentation régulière du nombre de bénéficiaires de l’AME d’une année à l’autre. Néanmoins, en marge des discussions budgétaires à l’Assemblée nationale, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin avait indiqué que le gouvernement avait l’intention d’annuler cette hausse par voie d’amendement. Sauf que le volet « dépenses » du budget n’a pas été débattu par les députés, qui ont rejeté en début de semaine la partie « recettes », ce qui a mis fin à l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée.
En 2023, les bénéficiaires de l’AME étaient 456 689, soit 11 % de plus qu’en 2022. « Face au rythme soutenu d’augmentation des dépenses et à l’effet limité des contrôles et vérifications, il est légitime de s’interroger sur l’étendue des soins pris en charge », note Vincent Delahaye dans le rapport qu’il a présenté à la commission en vue de l’examen de la mission « Santé » du budget général de l’Etat.
Restreindre le panier de soins
Le sénateur interroge également « l’étendue des soins pris en charge » par le système français, plus importante que celle assurée par les pays européens qui disposent de mécanismes similaires à destination des étrangers en situation irrégulière. « Dans la plupart d’entre eux, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans des programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement. »
L’élu invite donc le gouvernement à réviser le panier de soins proposé par l’AME, et notamment à rallonger la liste des actes non urgents, définis à l’article R 251-3 du code de l’action sociale et des familles, ce qui aurait pour conséquences de réduire le nombre de prestations automatiquement remboursées.
Une réforme promise de longue date
Reste à savoir si les modifications proposées par la droite sénatoriale seront adoptées et reprises en l’état par le gouvernement. Elles s’inspirent pour partie des conclusions du rapport Evin-Stefanini, commandé fin 2023 par l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, au moment des débats sur la loi immigration. À l’époque, la droite sénatoriale souhaitait remplacer le dispositif par une simple Aide médicale d’urgence, contre l’avis de la gauche et du gouvernement.
Cette option est également rejetée par les travaux de Patrick Stefanini et Claude Evin, qui font valoir « l’utilité » de l’AME tout en préconisant certains aménagements pour maintenir la soutenabilité du système, notamment en limitant le nombre d’ayant droit par assuré. Actuellement, un bénéficiaire de l’AME peut aussi en faire profiter les personnes à sa charge, par exemple s’il est en couple ou à des enfants.
Lors des négociations en commission mixte paritaire, les LR ont fini par renoncer à vouloir traiter la question de l’AME dans la loi immigration, ayant obtenu d’Élisabeth Borne la garantie qu’elle mettrait en œuvre « les évolutions nécessaires » par voie réglementaire ou législative. Mais ce scénario a finalement été contrarié par le départ de la Première ministre, le 9 janvier dernier.
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