Agriculteurs en colère : Egalim, souveraineté alimentaire, pesticides…Les nouvelles annonces de Gabriel Attal

Le Premier ministre s'est exprimé jeudi pour apporter de nouvelles réponses à la crise des agriculteurs, mobilisés depuis une dizaine de jours. Il a notamment annoncé l’inscription d’un principe de souveraineté dans la loi et le déblocage de 150 millions d’euros pour les éleveurs.
Romain David

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La crise agricole est-elle arrivée à un tournant ? Alors que le mouvement continue de s’intensifier, le gouvernement, en négociation avec les syndicats majoritaires depuis le début de la semaine, a présenté ce jeudi 1er er février un nouveau paquet de mesures destinées à répondre à la grogne du monde paysan. En parallèle, Emmanuel Macron s’est entretenu avec Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, en marge d’un sommet européen officiellement consacrée à l’aide à l’Ukraine.

Revaloriser le statut des agriculteurs et leur rémunération

Un objectif de souveraineté alimentaire sera inscrit dans la loi, a annoncé Gabriel Attal lors d’une conférence de presse à Matignon. Chaque année, un rapport sera publié par le gouvernement sur la souveraineté alimentaire, une première livraison sera présentée avant le Salon de l’Agriculture qui se tient fin février. En outre, un plan de souveraineté sera également présenté pour chaque filière « qui en a besoin », notamment dans l’élevage. Par ailleurs, ce secteur bénéficiera en 2024 « de 150 millions d’euros en soutien fiscal et social ». Le seuil d’exonération sur les successions agricoles doit être relevé, une mesure destinée à accompagner le renouvellement des générations.

La proposition de loi pour limiter les conflits de voisinage en milieu rural, adoptée en fin d’année par l’Assemblée nationale, sera inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Ce texte doit protéger les agriculteurs contre les recours abusifs.

Le gouvernement entend également renforcer les dispositions des différentes lois Egalim, qui visent à sanctuariser la rémunération des agriculteurs. L’exécutif souhaite accélérer sur les objectifs alimentaires fixés par la loi Egalim I à la restauration collective, à savoir 50 % de produits durables et de qualité et 20 % de bio dans les approvisionnements. Egalim 1 et 2, adoptées visaient également à empêcher que les producteurs ne fassent les frais de la guerre des prix féroces entre supermarchés d’une part, et distributeurs et fournisseurs de l’agro-industrie d’autre part.

Dans ce cadre-là, Bruno Le Maire a également annoncé des contrôles massifs « dans les prochains jours » sur les industriels et les supermarchés, qui concerneront notamment « toutes les plus grandes chaînes » de supermarchés.

En outre, le ministre de l’Economie a annoncé « 10.000 contrôles sur l’origine française des produits » avec des sanctions qui pourront « atteindre 10 % du chiffre d’affaires des industriels ou des distributeurs qui auraient fraudé ». « Un produit agricole estampillé comme d’origine française par son étiquetage doit être réellement d’origine française », a insisté Bruno Le Maire.

 

Lutter contre la concurrence déloyale et l’empilement des normes

Gabriel Attal a indiqué la mise en place d’une « clause de sauvegarde » pour empêcher l’importation en France de fruits et légumes traités au thiaclopride, un pesticide interdit en Europe. « Nous proposerons la création d’une force européenne de contrôle pour lutter contre la fraude sanitaire et l’importation de produits qui ne respectent pas les règles européennes », a précisé le Premier ministre.

Le gouvernement va également mettre en pause le plan Ecophyto visant à réduire l’usage des pesticides, « le temps de mettre en place de nouveaux indicateurs ».

Sur le volet alimentaire, le Premier ministre souhaite avoir une « législation claire au niveau européen sur la dénomination de ce qu’est la viande de synthèse ». « Non, la viande de synthèse ne correspond pas à notre vision de l’alimentation à la Française ! », a-t-il martelé.

Gabriel Attal annonce également une dérogation aux règles européennes de maintien des prairies, qui obligent à des réimplantations lorsque les surfaces agricoles viennent grignoter les terrains naturels. « Nous devons nous remettre autour de la table pour mieux protéger nos prairies essentielles à nos paysages et à la lutte contre le changement climatique, tout en sortant de situations totalement absurdes où des agriculteurs sont obligés de réinstaller des prairies alors même qu’ils ont arrêté leur activité d’élevage », a-t-il justifié.

Dans l’attente de mesures européennes

Au niveau européen, Bruxelles a déjà annoncé mardi réfléchir à une nouvelle dérogation sur les jachères. Entrée en vigueur l’année dernière, la nouvelle politique agricole commune (PAC) prévoit qu’au moins 4 % des terres arables sur une exploitation soient laissées en jachère ou converties en habitats semi-naturels (haies, fossés, bosquets, mares, etc.) de manière à préserver la biodiversité. Avec l’invasion russe de l’Ukraine, cette disposition n’est jamais entrée en vigueur pour permettre aux producteurs européens d’augmenter leur rendement et de rester compétitif face aux importations massives de denrées agro-alimentaires ukrainiennes, conséquence de la levée des droits de douane décidée par Bruxelles pour soutenir Kiev et l’économie du pays. Mais cette suspension aurait dû prendre fin au 1er janvier 2024, au grand dam des agriculteurs qui demandent a minima sa prorogation.

Concernant l’exemption de droits de douane accordée à l’Ukraine, qui pourrait être prolongée jusqu’en juin 2025, et que dénoncent les agriculteurs comme une arme concurrentielle qui permet à Kiev d’écouler sur le marché européen des denrées alimentaires à prix bradés, Bruxelles propose la mise en place d’une « clause de sauvegarde ». Les taxations seront automatiquement rétablies au-delà d’un certain volume d’importations pour trois types de produits : les volailles, les œufs et le sucre.

Reste en suspens la question de l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. Depuis 2019, Bruxelles essaye de boucler ce partenariat économique dont les premiers jalons remontent aux années 2000. Une poignée de pays européens, dont la France, s’y opposent fermement. Ils estiment que les pays sud-américains concernés ne respectent pas l’accord de Paris sur le climat, et redoutent ainsi de voir arriver sur le marché intérieur des produits qui échappent aux contraintes imposées aux exploitants européens. Mardi, en marge de sa visite d’Etat en Suède, Emmanuel Macron a redit son opposition à cet accord. « Nous demandons à ce que l’accord, tel qu’il est en place, ne soit pas signé. »

« Le Mercosur : il n’est pas question pour la France d’accepter ce traité, c’est clair, c’est net et c’est ferme », a martelé Gabriel Attal ce jeudi. Avant de rentrée en vigueur, l’accord UE-Mercosur doit encore être adopté par le Parlement européen, puis par les Etats membres à l’unanimité. Toutefois, la Commission européenne a la possibilité de contourner une partie de cette procédure.

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