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« Il y a de grandes chances pour qu’il ne s’agisse que d’un remaniement de retouche », estime Anne-Charlène Bezzina

Alors que les rumeurs concernant un remaniement et un changement de Premier ministre animent ce début d’année 2024, la situation reste indécise. Quelles sont les marges de manœuvre du président de la République, qui pourrait devenir Premier ministre et avec quelles missions ? Entretien avec Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public, et Emilie Zapalski, experte en communication politique. 
Henri Clavier

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Aujourd’hui, quel est l’intérêt d’un remaniement ?

Anne-Charlène Bezzina : La question est de savoir si le remaniement donne un nouveau cap. Dans le panorama de la Vème le remaniement correspond à un changement de cap, notamment après un échec électoral ou législatif. Nous avons vu à la fin de l’année les difficultés de l’exécutif à faire adopter le projet de loi immigration. Mais cela ne suffit pas vraiment, avant d’envisager un nouveau ou une nouvelle cheffe du gouvernement, il faut se poser la question de l’impulsion que le président de la République va essayer de donner. Donc, pour cela, il faut que le président de la République acte l’échec de la loi immigration et la fragilité de sa majorité pour essayer de lancer un nouveau projet, une nouvelle vision politique. Néanmoins, ce nouveau cap ne se ressent pas dans les vœux du 31 décembre où Emmanuel Macron a évoqué des idées déjà présentes dans le mandat d’Élisabeth Borne comme la planification écologique. Emmanuel Macron a besoin qu’il se passe quelque chose de fort pour réunir une majorité plus fracturée que jamais et dont on peut parfois se demander ce qui la fait encore tenir, en particulier à deux ans et demi de l’élection présidentielle. Il y a aussi de grandes chances pour qu’il ne s’agisse que d’un remaniement de retouche.

Emilie Zapalski : En termes de communication, un remaniement est un moyen pour Emmanuel Macron de reprendre la main. On l’a déjà constaté avant la nomination d’Élisabeth Borne, le président de la République aime prendre son temps. Il faut que le remaniement ait un sens, et pour cela, il veut renouer avec les Français, trouver un « truc ».

A ce stade, beaucoup de rumeurs circulent, est-ce qu’une coalition avec les LR dont le rôle est déterminant au Parlement est envisageable ?

Anne-Charlène Bezzina : Actuellement, les LR semblent avoir peu d’intérêt à sortir de l’opposition ou à accepter une coalition. Au lendemain de l’élection de l’Assemblée nationale, c’était un scénario tout à fait plausible, et Nicolas Sarkozy avait même appelé les LR à former cette grande coalition. Aujourd’hui, le rapport de force est en faveur de LR qui a réussi à peser lourdement dans les négociations sur le projet de loi immigration. Le nom de Gérard Larcher avait été évoqué un moment, mais en l’état actuel des choses le Sénat est devenu incontournable et la position de Président du Sénat est certainement plus avantageuse que celle de Premier ministre. Par ailleurs, il faut se demander quel serait l’intérêt de LR à s’investir dans un gouvernement alors que les prochaines échéances électorales vont être décisives pour LR. D’abord avec les élections européennes en juin 2024 où, historiquement, les partis centristes réussissent assez mal et où les questions migratoires risquent d’occuper une place importante de la campagne. Enfin, rentrer dans un gouvernement macroniste représente également un risque majeur, celui de devoir être le justiciable du bilan d’Emmanuel Macron en 2027. Les cartes jouées par les LR pendant les dernières semaines font qu’ils n’ont pas intérêt à aider le gouvernement.

Emilie Zapalski : Les LR récoltent les fruits d’un quinquennat qui peine à se lancer véritablement. On l’a vu lors de la réforme des retraites ou avec la loi immigration, les LR ont obtenu de vraies victoires politiques. Emmanuel Macron va sûrement chercher à nous surprendre, même si la marge de manœuvre est faible.

Dans la mesure où Emmanuel Macron est obligé de composer avec LR au Parlement, l’idéal ne serait-il pas de confier un poste de Premier ministre à la partie droite de sa majorité, c’est-à-dire Horizons ?

Anne-Charlène Bezzina : Il est certain que cela serait une option pertinente pour Emmanuel Macron. On entend beaucoup parler de Christophe Béchu qui pourrait être une bonne option. La clé de cette option, c’est l’identité d’Horizons et la véritable appartenance à la majorité présidentielle. On a déjà vu qu’Edouard Philippe s’était distingué à plusieurs reprises d’Emmanuel Macron sur certains sujets comme les retraites où il prônait une retraite à 67 ans. Encore une fois, je doute qu’Edouard Philippe et Horizons aient intérêt à accepter un tel poste.

Emilie Zapalski : Alors que l’on s’attend à ce que le remaniement envoie un message à la droite, le président pourrait aussi être tenté de donner des gages à son aile gauche qui en a cruellement besoin. Les parlementaires macronistes ont l’impression que le « en même temps » est de plus en plus à droite. Il ne faut pas non plus négliger les réformes sociétales qu’Emmanuel Macron veut poursuivre en 2024, notamment sur la fin de vie et la constitutionnalisation de l’IVG. Par ailleurs, l’approche des élections européennes pourrait le motiver à envoyer des signaux forts à son aile gauche alors que la candidature de Raphaël Glucksmann pour le Parti socialiste pourrait séduire une partie de l’électorat d’Emmanuel Macron.

Est-ce que justement ce n’est pas toute la difficulté, dans une majorité relative et fracturée, de trouver quelqu’un capable d’assumer ce rôle alors même que l’on sait que nous sommes à mi-mandat ?

Anne-Charlène Bezzina : Tout à fait, c’est la principale difficulté, comment réussir à ressouder sa majorité. Pour le moment, l’urgence est de ne pas avoir de frondeur. Or l’approche de l’élection présidentielle de 2027 à laquelle Emmanuel Macron ne pourra pas être candidat refroidit forcément quelques personnalités.

Emilie Zapalski : Dans la perspective d’un remaniement et d’un changement de Premier Ministre, Emmanuel Macron est confronté à un problème de ressources humaines. En pratiquement sept ans, quasiment aucun poids lourd n’a émergé des rangs macronistes. Comme d’habitude, les noms de Gérald Darmanin ou de Bruno Le Maire circulent, Sébastien Lecornu aussi, mais le profil à privilégier pourrait être celui de quelqu’un capable de créer des coalitions, un peu sur le même profil que Borne finalement. Un Richard Ferrand, très stratège au Parlement, pourrait être une option.

Finalement, l’option la plus probable n’est-elle pas celle de la fidélité pour Emmanuel Macron face à cette équation complexe ?

Anne-Charlène Bezzina : Je crois vraiment que c’est la fidélité qui sera l’élément déterminant. On voit souvent le remaniement comme une arme, mais pas sûre que ce soit le cas dans cette situation. On peut alors penser à un ministre comme Gabriel Attal qui bénéficie d’une grande cote de popularité et qui a toujours été chouchouté par Emmanuel Macron. Encore une fois, pour Gabriel Attal la question sera de savoir si cela peut coïncider avec son destin et ses ambitions personnelles. En l’état actuel des choses, il ne faut surtout pas écarter la possibilité d’un remaniement de retouche ne concernant que quelques portefeuilles comme la santé ou le logement. Je pense qu’Élisabeth Borne n’est pas nécessairement sur le départ, il faut trouver un intérêt à changer de gouvernement. Elle a montré sa capacité à être dans le combat.

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