Collectivités : le Sénat vote le rétablissement d’une réserve parlementaire dans le budget 2024

En plein débat budgétaire sur les financements de l’État aux collectivités territoriales, la majorité sénatoriale de droite et du centre a fait adopter un amendement prévoyant le retour d’une forme de réserve parlementaire. Députés et sénateurs pourraient attribuer eux-mêmes une partie d’une dotation dédiée aux territoires ruraux. Le gouvernement s’y est fermement opposé.
Guillaume Jacquot

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Tour de chauffe au Sénat au sujet de la réserve parlementaire. Les sénateurs ont voulu envoyer un message clair, avant même l’examen le 14 décembre sur la proposition de loi Maurey, qui vise à rétablir cette dotation distribuée par les parlementaires pour le financement de projets locaux. Celle-ci avait disparu en 2017, au moment de la loi pour la confiance dans la vie politique. L’hémicycle a en effet adopté ce 6 décembre dans le budget 2024 un amendement allant dans ce sens. Cosigné par une centaine de sénateurs Les Républicains et Union centriste, l’amendement de Jean-Marc Boyer, sénateur du Puy-de-Dôme, illustre le besoin de rétablir ce type d’enveloppe annuelle à destination des petites communes, qu’expriment depuis plusieurs mois des parlementaires, aussi bien du côté du palais Bourbon que du palais du Luxembourg (relire notre article).

Une réponse des sénateurs au mode de fonctionnement de la DETR

Projet de loi de finances oblige, le dispositif diffère des initiatives parlementaires déposées ces derniers mois. L’amendement Boyer prévoit que 20 % des investissements financés au sein de l’enveloppe de la DETR (Dotation d’Équipement des Territoires Ruraux), soient désignés par les parlementaires du département. Cette DETR pesant au niveau national près d’un milliard d’euros, la dotation laissée à la main des députés et sénateurs représenterait donc 200 millions d’euros, soit un ordre de grandeur comparable aux 146 millions d’euros de la réserve parlementaire en 2016.

La commission des finances a apporté son soutien à l’amendement, « au regard du nombre impressionnant de cosignataires et de la demande forte des territoires », selon les mots du rapporteur Stéphane Sautarel (LR). Tour à tour, des partisans LR de l’amendement ont expliqué que ce mécanisme pourrait répondre à des communes non couvertes par certaines dotations. Beaucoup ont également estimé que « l’opacité » dans l’affectation des moyens de la DETR par les préfets était problématique à l’heure actuelle. Les discussions à ce sujet ont animé l’hémicycle durant tout le début de la soirée. « Il y a des refus qui ne sont pas expliqués », a témoigné l’écologiste Guy Benarroche. Un amendement a d’ailleurs été adopté pour que les élus soient obligatoirement informés des raisons du rejet de leur demande de subvention DETR.

Le non catégorique de la ministre Dominique Faure

Le gouvernement, en revanche, a exprimé un avis défavorable à la renaissance de la réserve parlementaire. « La suppression de la réserve parlementaire faisait partie du choc de confiance souhaité par le président de la République François Hollande [suppression au début du quinquennat d’Emmanuel Macron, ndlr] », a rappelé Dominique Faure. La ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité a ensuite indiqué qu’elle ne considérait pas que le dispositif « puisse contribuer d’une façon ou d’une autre à réconcilier nos concitoyens avec les élus locaux ou les élus nationaux ».

« Vous n’avez pas utilisé le mot clientélisme, mais on n’en était pas loin », s’est offusqué le sénateur LR de l’Oise Olivier Paccaud, comparant la disparition de la réserve parlementaire à une forme d’ « antiparlementarisme ». « Je veux que vous m’expliquiez pourquoi, lorsqu’un député ou un sénateur donne une subvention, il fait du clientélisme, mais quand c’est le préfet, ce n’est pas du clientélisme. Quand c’est une municipalité, ce n’est pas du clientélisme ! » La position du gouvernement a également interloqué le sénateur socialiste Éric Kerrouche. « C’est un peu compliqué de considérer que les parlementaires incarnent la souveraineté nationale à Paris et qu’ils sont de méchants clientélistes localement. » Selon l’élu des Landes, la réserve a été supprimée « au moment où elle était le plus transparente, en 2017 ». Si l’enjeu dépasse les clivages, tout son groupe n’est pas sur la même longueur d’onde. À titre personnel, la rapporteure Isabelle Briquet (PS) s’est dit « plus que réservée » sur le retour de ce système.

Jean-Marc Boyer, premier signataire LR de l’amendement, a répondu aux critiques de la ministre en assurant que les décisions de subventions seraient prises « de manière collégiale, avec les parlementaires du département, en transparence ».

Étant donné sa position, le gouvernement devrait, logiquement, supprimer cette disposition à l’Assemblée nationale par le filtre du 49.3. Mais cette tentative dans le budget ne devrait pas signer la fin du mouvement, comme en attestent les propositions de loi déposées dans les deux chambres.

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Victimes à Mayotte : le sénateur Saïd Omar Oili réclame une commission d’enquête sur la gestion de crise

Trois semaines après le passage ravageur du cyclone Chido sur Mayotte, le sénateur RDPI (Renaissance) de l’archipel Saïd Omar Oili était l’invité de la matinale de Public Sénat. Victimes de Chido : « J’ai posé des questions régulièrement aux services de l’Etat et je n’ai jamais eu de réponses » Interrogé par la journaliste du Journal de Mayotte Mathilde Hangard, le sénateur exprime son fort agacement concernant la gestion de crise de l’Etat. Auteur d’une demande de commission d’enquête sur la gestion de crise, l’élu a écrit le 7 janvier un courrier au ministre des Outre-mer afin de connaître le bilan des victimes de la catastrophe naturelle. A date, les chiffres officiels font état de 39 morts, 124 blessés graves, 4 232 blessés légers. « J’ai posé des questions régulièrement aux services de l’Etat et je n’ai jamais eu de réponses », s’indigne-t-il, « je ne peux pas, au nom des victimes et de ceux qui souffrent, laisser tomber ce sujet-là, parce qu’il y a des gens qui sont peut-être ensevelis sous les décombres et que l’on n’a jamais retrouvés ». Saïd Omar Oili s’inquiète pour les Mahorais et déplore un manque de communication, d’anticipation et de transparence dans l’aide apportée aux sinistrés. « On n’a pas cherché [les personnes disparues]. Je suis élu local depuis vingt-cinq ans. Il y a des gens, quand on va dans les quartiers, je ne les vois pas. Ils sont où ? », demande-t-il sur le plateau de Public Sénat. « Je n’accuse personne, mais pour l’heure […] il n’y a pas de transparence, on dit tout et son contraire ». Mathilde Hangard, présente sur place, souligne que malgré les annonces de la préfecture, certains habitants n’ont toujours pas accès à l’eau, que des queues se forment dans les supermarchés, qu’on s’éclaire encore à la bougie par endroits et que des Mahorais doivent faire parfois plusieurs kilomètres pour trouver du réseau. Le ministère de l’Intérieur annonce pourtant sur son site que « presque 100 % de la population est raccordée à l’eau courante », que « 72, 5 % des clients sont alimentés » en électricité et qu’entre 85 et 93 % des abonnés des opérateurs sont couverts par le réseau. « J’espère qu’au nom de ces victimes, on ira jusqu’au bout de cette commission parlementaire » Ces écarts, Saïd Omar Oili ne se les explique pas. C’est la raison pour laquelle il a demandé au président de son groupe la constitution d’une commission d’enquête sur la gestion de crise. « J’espère qu’au nom de ces victimes, on ira jusqu’au bout de cette commission parlementaire, pour qu’enfin ce genre de choses ne se passe plus dans nos territoires vulnérables », affirme-t-il. D’autres territoires ultramarins sont sujets aux cyclones, comme La Réunion ou les Antilles. Au travers de cette commission d’enquête, l’élu souhaite également mettre en lumière le manque d’anticipation. « Pourquoi, alors que depuis le 8 décembre nous savions tous que le cyclone allait taper Mayotte et qu’il serait très violent, n’a-t-on pas prépositionné des gens sur place pour aller chercher les victimes ? », s’interroge-t-il, « on le voit dans le monde entier, lorsqu’un événement pareil arrive, on prend les mesures de précaution, ça n’a pas été fait cette fois-ci ». Projet de loi d’urgence pour Mayotte : un texte « plein de mesures mélangées » Pour faire face à l’urgence et la reconstruction, qui s’annonce colossale, le nouveau gouvernement planche sur un texte d’ « urgence », présenté ce matin en conseil des ministres, et sur un texte « de refondation » présenté en mars. Des projets de loi qui laissent sceptique le sénateur de Mayotte. Il juge le texte d’urgence fourre-tout, avec « plein de mesures mélangées ». Pourtant, les enjeux sont majeurs, en particulier en ce qui concerne la rentrée scolaire des élèves de l’archipel. Sur le plateau de Public Sénat, Saïd Omar Oili s’inquiète : « Dans l’étude d’impact de la loi d’urgence, on parle de 47 % des établissements publics détruits. Comment peut-on imaginer faire une rentrée de 117 000 élèves ? Ce n’est pas possible ». D’autant que les salles de classe manquaient bien avant le passage du cyclone, d’après le sénateur. Ce que l’élu attend surtout, ce sont des moyens, alors que l’examen du projet de loi de finances sera repris la semaine prochaine au Sénat. Il dénonce l’interventionnisme déconnecté de l’Etat. « Les gens qui viennent chez nous s’occuper de la reconstruction ne connaissent pas la culture mahoraise. La gestion même de la crise est désastreuse, parce qu’on a fait venir des gens de l’hexagone et il n’y a pas d’élus locaux et d’habitants parmi eux », déplore-t-il. Lutte contre l’immigration à Mayotte : « C’est un problème de moyens » Le second projet de loi à venir concernant l’archipel s’attaquera à l’immigration. C’est le souhait des ministres des Outre-mer Manuel Valls et de l’Intérieur Bruno Retailleau. « Nous avons un problème avec l’immigration », affirme Saïd Omar Oili. « Il n’y a jamais eu autant de barques arrivées chez nous que depuis qu’il y a eu le cyclone, car tous les bateaux militaires qui devaient contrôler les frontières se sont échoués », explique-t-il. Mais pour lui, la solution ne réside pas nécessairement dans un nouveau durcissement du droit du sol. « Il y a de l’hypocrisie dans tout ce que nous faisons : nous avons demandé depuis longtemps la fin des cartes de séjour territorialisées », s’indigne-t-il. Ces cartes de séjour, qui n’existent qu’à Mayotte, interdisent leur détenteur de se déplacer dans tout autre département français. Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait prévu de les supprimer en février 2024, lors de son passage sur l’archipel. Saïd Omar Oili plaide également pour une augmentation des moyens dans le contrôle des côtes de l’île pour empêcher toute arrivée illégale. « Aux Antilles, ils ont des patrouilleurs partout, c’est un problème de moyens », affirme-t-il. Interrogé sur la présence de Marine Le Pen à Mayotte en début de semaine, Saïd Omar Oili est catégorique : « Je ne veux pas que Mayotte serve de politique au niveau national. J’ai l’impression que notre île est devenue un jeu humain. 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