On ne connaît pas encore la conclusion du conclave sur la réforme des retraites voulu par François Bayrou que déjà l’Élysée rêve d’ouvrir un nouveau chantier, tout aussi sensible. Lors de son entretien fleuve sur TF1 ce 13 mai, Emmanuel Macron a posé sur la table la question du mode de financement de la protection sociale, demandant au gouvernement d’ouvrir « dans les prochaines semaines » une « conférence sociale » sur ce sujet, « avec l’ensemble des forces syndicales et patronales ».
Pour le moment, le gouvernement n’a pas repris à son compte la proposition présidentielle. « La discussion n’a pas eu lieu encore avec le Premier ministre et le gouvernement […] Mais je trouve que la question est intéressante, elle doit être posée », a réagi ce matin sur Sud Radio, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas.
« Il faut chercher de l’argent en dehors du seul travail. Il y a la consommation, il y a d’autres choses »
Lourdement déficitaire depuis la crise sanitaire, la Sécurité sociale – dont on va fêter cette année le 80e anniversaire – pose à la fois des enjeux budgétaires mais également de pouvoir d’achat et de coût du travail. Aujourd’hui, près de 78 % des recettes des régimes de base de la Sécurité sociale sont constituées de cotisations et de la CSG (contribution sociale généralisée).
Emmanuel Macron juge que le financement de notre modèle social « repose beaucoup trop sur le travail ». Face à la secrétaire générale de la CGT, le chef de l’État a notamment déclaré : « Vous avez raison de dire qu’il faut chercher de l’argent en dehors du seul travail. Il y a la consommation, il y a d’autres choses. » La représentante syndicale lui alors demandé s’il s’agissait d’une TVA sociale, en référence au débat récurrent depuis le début des années 2000 qui consisterait à alléger les cotisations sociales en le compensant par une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée.
Après avoir pourtant cité la consommation, le chef de l’État n’a pas souhaité acquiescer au moment de l’évocation de cette piste explosive : « Non, non, il peut y avoir d’autres choses, y compris des choses que vous avez évoquées. Ce n’est pas à moi de le préempter. »
Venue de la droite, la piste de la TVA sociale ressurgit régulièrement dans le débat public. Sa simple évocation en 2007 par le ministre de l’Économie Jean-Louis Borloo, au moment de la campagne de l’entre-deux-tours des législatives, aurait coûté des dizaines de sièges à la majorité UMP. À l’époque, l’idée était d’alléger le coût du travail pour les entreprises en déplaçant une partie du financement de la Sécurité sociale sur la TVA.
Une tentative au Sénat en novembre 2024, qui s’est soldée par un échec
L’idée est en tout cas partagée au sein d’une partie du socle commun, qu’il s’agisse par exemple d’élus du camp présidentiel. La semaine dernière, l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait déploré au Sénat le « choix funeste » de la France d’être « une économie de consommation et pas une économie de production ».
Les organisations patronales se sont également prononcées ces derniers mois pour un abaissement des contributions assises sur le salaire, en échange d’une hausse de la TVA notamment. Au début du mois, l’organisation patronale U2P (entreprises de proximité), a présenté un projet de « big bang » pour améliorer les revenus nets du travail, en supprimant la CSG-CRDS et en trouvant des recettes du côté des retraites, des rentes, de l’héritage et de la TVA.
La piste d’une TVA sociale avait également été portée par l’Union centriste au Sénat lors des débats budgétaires de l’automne, sans que cette idée ne fasse l’unanimité au sein de ce groupe allié des Républicains. Le sénateur Michel Canévet avait soutenu en vain le relèvement d’un ou deux points du taux normal de TVA, actuellement fixé à 20 %, excluant donc les produits de première nécessité (taxés au taux réduit de 5,5 %). « Si l’on souhaite augmenter les impôts dans le but de réduire le déficit public, la priorité doit être donnée aux impôts pour lesquels l’impact récessif est le plus limité », avait-il notamment défendu. Les centristes estimaient que la TVA sociale était également une façon de limiter les mesures fiscales visant les entreprises et donc la création d’emplois. Les amendements n’ont pas été adoptés par le Sénat, pas plus qu’ils n’ont reçu de soutien du gouvernement Barnier.
En février, la ministre des Comptes publics suggérait un référendum sur l’équilibre entre cotisations et impôts
En revanche, le diagnostic posé par Emmanuel Macron, celui d’une « société qui vieillit », ce qui bouleversera les dépenses et les recettes de la Sécurité sociale, est partagé depuis plusieurs mois par le gouvernement. Le 17 février, lors de la fin des débats sur le budget de la Sécurité sociale, la ministre du Travail et des Solidarités, Catherine Vautrin avait considéré que le « virage démographique actuel » mettait « à l’épreuve la soutenabilité de notre système ».
La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin avait estimé quant à elle que le débat sur de nouvelles recettes, ou l’équilibre entre impôts et cotisations était « légitime » et « d’ores et déjà engagé » au Parlement. Ce matin, sur RMC, elle a répété que ce sujet « méritait d’être ouvert » mais que le gouvernement n’agirait pas « seul dans son coin ».
En février, elle avait déclaré qu’un référendum était un « bon outil » afin de poser la question d’un élargissement de « la base de financement des politiques sociales dans notre pays ». Emmanuel Macron a cependant évacué toute consultation sur le sujet des finances publiques. « La fiscalité et le budget, ce sont les compétences du Parlement, ce n’est pas un objet de référendum », a-t-il rappelé hier soir.