MEETING RAPHAEL GLUCKSMANN ELECTIONS EUROPEENNES

Elections européennes 2024 : un croisement des courbes entre Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann est-il possible ?

Aujourd’hui troisième homme de la campagne, Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place Publique, a tendance à se rapprocher de la liste de la majorité présidentielle. Au point de la dépasser ? Au PS, on garde « la tête froide », mais on espère être la « surprise » du 9 juin. A Renaissance, on minimise la dynamique Glucksmann, qu’on renvoie aux divisions de la gauche.
François Vignal

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« On reste la tête froide ». Ce hiérarque socialiste, l’assure : personne ne pèche par excès de confiance en ce moment au PS. Reste que les relativement bons sondages pour Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place Publique pour les européennes du 9 juin, donnent quelques espoirs de résurrection au parti à la rose. « Il y a quelque chose qui est en train de se passer », croit Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, qui a accueilli la tête de liste mardi, en réunion de groupe, accompagnée du numéro 1 du PS, Olivier Faure.

« Les sénateurs font des remontées de terrain et voient bien que ça marche, que ça prend. Après, c’est encore le début, c‘est fragile. Il faut qu’on continue, qu’on amplifie et qu’on garde cette flamme », expliquait à la sortie le candidat. Regardez :

« Pas d’euphorie » au PS, mais « on est extrêmement concentrés »

Le dernier sondage en date vient conforter cette impression. Selon une étude Harris Interactive pour Challenges, RTL et M6, Raphaël Glucksmann gagne un point, à 13 %, loin devant la liste LFI de Manon Aubry à 8 % (+1) et l’écologiste Marie Toussaint à 6 % (-1). De l’autre côté, la candidate macroniste, Valérie Hayer, perd un point à 17 %. Avec la marge d’erreur de + /- 1,3 point, autour de 10 % et de + /- 1,8 point pour un score à 20 %, on comprend que les listes socialiste et Renaissance sont potentiellement au coude à coude… Alerte rouge ?

Au PS, on assure donc ne pas s’emballer. « Ce n’est pas une ambiance d’euphorie. On est extrêmement concentrés sur les déplacements, les réunions publiques, le terrain où on est hypermobilisés, les débats et le programme qu’on doit présenter la semaine prochaine », explique Pierre Jouvet, secrétaire général du PS, en troisième position sur la liste et porte-parole de campagne. Le numéro 2 du PS ajoute :

 On sait qu’une élection européenne, ça se joue et se cristallise aussi dans les dernières semaines de campagne. Aujourd’hui, tout ce qu’on met en œuvre, c’est pour stabiliser les choses. 

Pierre Jouvet, secrétaire général du PS et porte-parole de campagne de Raphaël Glucksmann

« Le croisement des courbes est souhaitable »

Pour cranter la situation, la liste PS-Place publique entend « incarner l’alternative politique, à la fois à Macron et l’opposition à Bardella », explique Pierre Jouvet, « on ne veut pas que l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen apparaisse comme inéluctable. C’est tout notre construction de campagne ».

Mais si l’euphorie n’est pas de mise, le candidat peut-il prolonger ce début de dynamique au point de rattraper Valérie Hayer… voire de la dépasser ? Un tel scenario de croisement des courbes serait un tremblement de terre pour les macronistes et rebattrait les cartes à gauche. « Je le souhaite, le croisement des courbes. Il y a un engouement », veut croire Patrick Kanner. « J’ai commencé mon intervention mardi au groupe en disant « je vous présente la surprise du 9 juin » », raconte l’ancien ministre hollandais. « Je crois que le croisement des courbes est souhaitable entre Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann », soutient, plus prudent, Pierre Jouvet.

« Dans les moments importants, tout le monde se rassemble au PS »

Le goût des sondages à deux chiffres calme, du moins le temps de la campagne, les passions socialistes. Après les divisions internes des derniers mois, les européennes sont en effet l’occasion d’une réconciliation collective, à l’image de ce meeting mercredi soir, à Rouen, aux côtés du maire PS Nicolas Mayer Rossignol, le meilleur ennemi d’Olivier Faure. « C’est la force des socialistes. Ils peuvent parfois s’affronter violemment et dans les moments importants, tout le monde se rassemble. Chacun y voit son intérêt personnel, et pour le parti », glisse un responsable du parti.

Les logiques internes ne sont en réalité pas loin. « Il y a une prise de conscience autour des grands thèmes que Raphaël Glucksmann défend, qui sont ceux d’une social-démocratie assumée. Il est l’incarnation d’une ligne politique que je défends », avance Patrick Kanner, qui « espère qu’il pourra devenir le vote utile à gauche ». Pas sûr qu’au PS, tout le monde ait la même lecture du sens de la dynamique Gluskmann…

« Glucksmann n’incarne pas autre chose que lui-même. C’est ça, la limite », selon un ministre

Dans le camp présidentiel, on semble chercher le bon angle d’attaque pour affronter la liste PS-Place Publique. Lors de ses premières sorties, la candidate a donné l’impression de tergiverser. « Avec Raphaël Glucksmann, on vote à 90 % de la même façon au Parlement européen. Il devrait être avec nous », avait commencé sa campagne Valérie Hayer, avant d’insister en mars sur « des différences qui sont majeures », notamment sur « le pacte asile immigration », qu’elle a voté.

Certains entendent appuyer sur les contradictions qui traversent la gauche. « Tactiquement, c’est intéressant Glucksmann. Il tente un truc », reconnaissait en février un ministre. Mais il estimait que « le problème de Glucksmann, c’est le PS, allié avec la Nupes ». Surtout, ajoutait le même, « il y a qui pour porter la parole de Glucksmann ? Il n’incarne pas autre chose que lui-même. C’est ça, la limite ».

« La lutte entre les listes de la Nupes, ce n’est pas notre sujet » affirme le directeur de campagne Renaissance, Pieyre-Alexandre Anglade

Officiellement, il n’y a pas de sujet Glucksmann. « Aubry, Toussaint, Glucksmann, même combat. Pour nous, la lutte entre les listes de la Nupes, ce n’est pas notre sujet. Ils se battent pour savoir qui aura le leadership de la Nupes en 2027. Nous, on se bat pour l’avenir de l’Europe dans un moment décisif pour l’avenir du continent », balaie le directeur de campagne de la liste de la majorité, le député Renaissance, Pieyre-Alexandre Anglade. Autrement dit, il renvoie le candidat, qui ne jouerait pas dans la même catégorie, à une bataille interne à la gauche.

Pour François Patriat, à la tête du groupe des sénateurs macronistes, il faut prendre les sondages avec distance. « Ça change tous les jours, +1 ou -1… Je suis confiant. Aujourd’hui, dans le climat de guerre, d’attentat, de finances publiques, il y a des gens inquiets. Mais notre socle électoral étant à plus de 20 %, je pense qu’on va le retrouver et qu’on fera 22 % minimum », se tente au pronostic le président du groupe RDPI du Sénat. François Patriat ajoute :

 Raphaël Glucksmann peut être séducteur, par son sourire. Mais ce qui compte, ce n’est pas le charme éventuel de la bourgeoisie socialiste. Au-delà, il y a des sympathisants LFI et de la Nupes avec lui. 

François Patriat, président du groupe RDPI du Sénat.

« Tout est possible. Il faut être modeste », confie un macroniste

En dehors des micros, reste que certains macronistes font preuve d’une certaine prudence. Le croisement des courbes ? « Tout est possible. Il faut être modeste », reconnaît un membre de l’équipe de campagne, qui note que « cela vaut pour le RN d’ailleurs. On peut monter aussi cela dit ». Le même se rassure vite cependant : « Il y a davantage une Glucksmann mania théorique qu’une vague Glucksmann réelle ».

« Il n’y a pas d’effet toboggan ou ascenseur pour les trois premières forces », continue notre responsable macroniste, qui pense que « ça ne bougera pas d’ici mi-mai. Là, on va rentrer dans les vacances, puis les ponts. Les gens ne connaissent même pas la date de l’élection ».

« Il n’y aura pas de croisement des courbes entre nous et Glucksmann. Cela n’existe pas »

Un autre écarte tout risque. « Il n’y a pas de dynamique Glucksmann dans les sondages. Tout ça est mon avis relativement monté en épingle. Tout le monde a envie de raconter une histoire autour de ça. Je pense qu’il est gonflé dans le dernier sondage. Mais il n’y a pas de sujet, des sondages le donnent à 11 et nous à 21 », va jusqu’à penser un autre parlementaire Renaissance.

Ce soutien du chef de l’Etat en est certain : « Il n’y aura pas de croisement des courbes entre nous et Glucksmann. Cela n’existe pas. On nous a fait le coup avec Bellamy en 2019 ou Zemmour en 2022 ». Il est vrai que ce ne serait pas la première fois qu’un troisième homme de début de campagne dévisse à l’approche du scrutin.

« C’est très difficile de porter un discours positif sur l’Europe »

Reste que les deux listes visent en partie le même électorat, soit « des chrétiens-démocrates aux sociodémocrates », selon un député Renaissance, « et une partie de cet électorat se pose la question du choix entre nous et lui ». Un macroniste reconnaît que la liste « perd un peu chez Glucksmann, c’est vrai, un peu chez Bellamy », il souligne surtout que « là où on perd le plus, c’est chez ceux qui ont voté pour nous en 2022 et qui n’ont pas encore décidé de voter. C’est une élection de mobilisation ». Alors il faut parler Europe.  « On a intérêt à revendiquer le Pacte vert », conseille un député Renaissance de l’aile gauche.

Si l’idée est d’assumer une ligne proeuropéenne, dans l’ADN macroniste, un parlementaire souligne cependant que « c’est très difficile de porter un discours positif sur l’Europe. On peut dire qu’elle nous a protégés pendant le covid, nous aide à lutter contre le réchauffement climatique, mais les Français ne l’entendent pas ». Autre doute : le début de campagne a beaucoup consisté à « taper » sur Jordan Bardella, histoire d’installer le match et de mobiliser l’électorat. Une stratégie en partie remise en cause aujourd’hui. « Il ne faut pas trop parler de l’adversaire. Notre meilleur atout, c’est l’Europe », insiste un ancien ministre.

« Glucksmann, vous verrez que dans un mois, on ne s’en reparlera plus »

« Glucksmann, vous verrez que dans un mois, on ne s’en reparlera plus », lance un responsable de la campagne. Charitable, il lui prédit au mieux « ce qu’a fait Jadot en 2019 », avec ses 13,5 %. Méthode Coué ou réalité électorale ? « Les stratèges de l’Élysée avaient prévu que ce soit un nouveau duel avec l’extrême droite, nous montrons qu’il existe une troisième voie », a lancé mercredi soir, à Rouen, la tête de liste PS-Place Publique, bien décidé à faire mentir un scénario qui serait écrit d’avance.

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