Le sénateur LR Jean-François Husson estime qu’il faut « aller vite sur la loi spéciale » et ensuite « se remettre au travail rapidement » pour doter la France d’un budget.
Taxes sur l’électricité et le gaz, collectivités, suppressions de postes dans l’éducation : les principaux points à suivre lors du passage du budget au Sénat
Par François Vignal
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Place au Sénat. Le marathon budgétaire est à mi-parcours avec une nouvelle étape décisive, ce lundi, avec le début de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2025 au Sénat. Les sénateurs se lancent pour deux semaines et demie d’examen jour et nuit, avec un vote solennel prévu le 12 décembre. Et contrairement aux députés, on peut sans risque affirmer que le Sénat ira au bout et votera un budget.
La Haute assemblée se retrouve en position de force sur le budget, alors que les députés ont rejeté un texte remanié par la gauche, après un examen parfois chaotique. « Dans le contexte politique et après le rejet du budget par l’Assemblée nationale, le Sénat a plus que jamais une responsabilité majeure », a souligné lors de la discussion générale le ministre de l’Economie, Antoine Armand.
Pour le gouvernement, sous la menace du vote de la censure par le Rassemblement national, dont la cheffe de file, Marine Le Pen, a de nouveau demandé, lors d’une rencontre avec le premier ministre ce matin, à être écoutée sur le budget, le passage du texte au Sénat paraît plus aisé. Michel Barnier est en effet maintenant en terrain conquis, du moins en bonne partie. La majorité sénatoriale LR-Union centriste, qui bataillait jusqu’ici contre Emmanuel Macron, se retrouve à soutenir ce premier ministre issu des rangs LR. Sans oublier les autres groupes du socle commun, les groupes RDPI (Renaissance), Les Indépendants et une partie du RDSE, qui sont derrière Michel Barnier. La taxe exceptionnelle sur les grandes entreprises comme les hausses d’impôts pour les plus riches, bien que contraire à l’ADN des LR, seront donc soutenues.
Avec le rapporteur général de la commission des finances, le sénateur LR Jean-François Husson, un travail de coconstruction a été amorcé entre les sénateurs et le gouvernement, depuis plusieurs semaines. Si le ton a changé, la majorité sénatoriale n’entend pas moins imprimer sa marque sur le budget. Jean-François Husson répète qu’il partage l’objectif global de 60 milliards d’euros d’économies. Mais il présentera plusieurs amendements pour modifier le texte. Il espère aller au-delà des économies annoncées, avec au total « plus de 3 milliards d’euros » supplémentaires, pour « permettre de réduire les hausses d’impôts ».
Suppression de la hausse de la taxe sur l’électricité : un coût de 3,4 milliards d’euros…
C’est la principale modification que va apporter le Sénat sur ce budget 2025 : la suppression de la hausse de la taxe sur l’électricité. A l’article 7 de ce PLF, le gouvernement souhaite relever la fiscalité au-delà de son niveau d’avant-crise, soit 32 euros par MWh, alors que les sénateurs s’y refusent. Ne pas augmenter cette taxe coûterait 3,4 milliards d’euros.
Si le gouvernement appliquait la hausse maximale de l’accise telle qu’il le propose, cela se traduirait, pour une maison de 100 m2 chauffée à l’électricité, par une hausse de « 350 euros par an », en comparaison de la situation d’avant crise, selon l’amendement sénatorial.
…compensé en partie par une hausse de 950 millions d’euros de la taxe sur le gaz
Pour compenser, la majorité sénatoriale mise sur plusieurs mesures d’économies (voir plus loin) ainsi que sur une hausse des taxes sur le gaz. Un amendement prévoit de relever de 4 euros par MWh l’accise du gaz naturel à usage combustible. Ce qui « représente une augmentation de l’ordre de 62 euros par an du coût du chauffage au gaz pour un ménage habitant dans un logement d’une surface de 100 m² », précise l’objet de l’amendement. Ce qui rapporterait quand même 950 millions d’euros aux caisses de l’Etat. Jean-François Husson présente aussi cette mesure comme écologique, en voulant taxer davantage une énergie carbonée, pour favoriser l’électricité décarbonée.
Politiquement, revenir sur la hausse de l’électricité pourrait avoir un double avantage pour le gouvernement : il pourrait dire qu’il écoute le Sénat et fait ainsi confiance au Parlement. Surtout, il répondrait à l’une des principales lignes rouges fixées par Marine Le Pen, qui agite la menace de la censure.
Les économies demandées aux collectivités ramenées de 5 à 2 milliards d’euros
L’autre gros morceau pour les sénateurs, ce seront les collectivités. Rien de plus logique, pour la chambre qui les représente, selon la Constitution. Alors que le gouvernement demande aux collectivités un effort budgétaire de 5 milliards d’euros, la majorité sénatoriale veut le limiter à 2 milliards d’euros (lire ici pour plus détails). Encore trop, pour les sénateurs écologistes, qui accusent la droite sénatoriale de « lâcher les collectivités ».
Alors que le gouvernement vise une économie de 800 millions d’euros sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), le rapporteur général entend supprimer cette mesure. Les sénateurs ne touchent pas en revanche au gel des transferts de TVA, pour 1,2 million d’euros, destinés à remplacer les recettes fiscales qui ont été supprimées ces dernières années.
Mais la principale modification concernant les collectivités concerne le fonds de précaution de 3 milliards d’euros, visant à aider les collectivités, financé par les 450 collectivités les plus riches. Les sénateurs, sous la houlette notamment du sénateur LR Stéphane Sautarel, préfère carrément supprimer ce fonds de précaution pour le remplacer par un « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales », doté lui de trois fois moins d’argent, avec 1 milliard d’euros. Par ailleurs, l’effort sera mieux réparti : environ 3.000 collectivités seront concernées, au lieu de 450. Le nouveau système ferait par ailleurs sortir 50 départements du dispositif. Jean-François Husson s’était notamment déplacé à Laon, dans l’Aisne (voir notre reportage), pour se montrer à l’écoute de ces départements en difficulté face à des dépenses sociales en forte hausse.
« Au sujet des collectivités, nous avons entendu les alertes », a rappelé en séance ce lundi le ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin. Le gouvernement est prêt à « réduire significativement la contribution prévue » au fonds de précaution, « et les fonds prélevés seront reversés aux collectivités contributrices », comme le prévoit le dispositif sénatorial. Quant aux mesures liées au FVTVA, le ministre a confirmé qu’« elles n’auront pas d’effet rétroactif ».
Education : les sénateurs vont réduire de 4.000 à 2.000 le nombre de suppression de postes
C’est l’une des mesures d’économie du budget les plus remarquées : la suppression de 4.000 postes dans l’Education nationale l’an prochain. Une coupe jugée trop forte par les sénateurs, qui vont diviser par deux le nombre de postes supprimés. Et c’est la droite qui porte la mesure. Le sénateur (apparenté LR) de l’Oise, Olivier Paccaud, va défendre un amendement qui fait « passer de 4.000 à 2.000 suppressions de postes ». Il a déjà été adopté jeudi en commission, à l’unanimité, avec le soutien de la gauche.
Le rapporteur spécial de la commission des finances sur l’éducation défend « une position responsable ». S’il ne veut pas zéro suppression, du fait de la baisse de la démographie scolaire, il entend « adapter, avec une moindre baisse. Cela nous semble beaucoup plus raisonnable pédagogiquement. Cela permet de continuer à améliorer le taux d’encadrement. Et ça nous semble aussi beaucoup plus raisonnable territorialement », alors qu’avec les 4.000 suppressions de postes, « trois fermetures de classe sur quatre seraient en zone rurale. C’est pour limiter la casse ».
Le sénateur de l’Oise finance la mesure en allant chercher « 74 millions d’euros » sur le pacte enseignant, qui voit son budget progresser de 100 millions d’euros. Avec la création de 2.000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), prévus par le gouvernement, « cela ferait un solde de zéro dans l’Education nationale », défend Olivier Paccaud. Si la mesure peut peut-être arranger les ministres de la rue de Grenelle, pas sûr en revanche que Matignon soit enchanté.
Lutte contre les « CumCum », les montages frauduleux d’arbitrage de dividendes
Au chapitre des nouvelles économies que mettent sur la table les sénateurs pour financer la suppression de la hausse des taxes sur l’électricité, Jean-François Husson mise notamment sur la lutte contre la fraude ou les abus.
Les sénateurs vont défendre un dispositif pour lutter contre les montages frauduleux d’arbitrage de dividendes, les fameux « CumCum » ou autres « CumEx ». Un sujet sur lequel lutte depuis plusieurs années la sénatrice centriste Nathalie Goulet, mais aussi les communistes ou les socialistes, qui présentent aussi des amendements. Le rapporteur a salué ce lundi une « démarche collégiale, très largement partagée ». En 2018, le Sénat avait déjà adopté un amendement sur le sujet, avant qu’il ne soit vidé de sa substance à l’Assemblée.
Le crédit impôt recherche « mieux encadré » : 400 millions d’euros d’économies
Le rapporteur LR propose également de « mieux encadrer le crédit impôt recherche » par la mise en œuvre de certaines préconisations de la revue de dépenses de l’inspection générale des finances sur les aides aux entreprises. De quoi rapporter « un peu plus de 400 millions d’euros d’économies », avait-il expliqué lors de la présentation de ses amendements.
Economies sur l’AME, l’apprentissage et suppression du SNU
Toujours au chapitre des économies, Jean-François Husson s’est lancé ces dernières semaines dans « une revue de dépenses », mission par mission budgétaire. Il vise notamment 150 millions d’euros d’économies sur l’apprentissage, réduire les surbudgétisations dans l’Education nationale pour la formation, la suppression du Service national universel ou les trésoreries « excessives » des opérateurs. La majorité sénatoriale veut aussi « resserrer » l’Aide médicale d’Etat (AME) pour une économie de « 200 millions d’euros » ou encore abaisser le plafond de différentes taxes, faisant économiser plusieurs millions d’euros à l’Etat à chaque fois.
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