Fonds Marianne : « Je n’ai aucun souvenir d’un comportement comme celui-là dans le cadre d’une audition » réagit Daniel Breuiller après l’audition de Mohamed Sifaoui

Initialement prévue pour le 31 mai puis pour le 13 juin, l’audition de l’essayiste Mohamed Sifaoui s’est finalement tenue ce jeudi 15 juin. Sous haute tension, Mohamed Sifaoui n’a pas hésité à invectiver les sénateurs. Une attitude qui suscite la consternation chez les élus du Palais du Luxembourg, surtout que l’essayiste n’est pas parvenu à répondre précisément aux questions des sénateurs.
Henri Clavier

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Extrêmement attendue, l’audition de l’essayiste Mohamed Sifaoui, directeur des opérations de l’USEPPM, principale bénéficiaire du fonds Marianne, a tourné au règlement de comptes. Tout au long de son audition, Mohamed Sifaoui à chercher à expliquer qu’il était victime d’un « coup de communication de Marlène Schiappa et de son cabinet. Pour rappel, le fonds Marianne, créé après l’assassinat de Samuel Paty, visait la structuration d’un contre-discours en faveur des valeurs de la République pour lutter contre la haine et la radicalisation en ligne. La faible transparence dans l’attribution des subventions à deux associations, révélée par plusieurs enquêtes journalistiques, a mené les sénateurs à doter la commission des finances des prérogatives d’une commission d’enquête. Après l’audition de Cyril Karunagaran, le sénateur écologiste Daniel Breuiller avait affirmé au micro de Public Sénat : « Déjà on lui demande de déposer un dossier [Mohamed Sifaoui], c’est un peu la République des copains. Le cabinet a instruit les demandes de subventions, ça ne marche jamais comme ça, je préfère quand ça reste dans l’administration ».

Les sénateurs pointent des « interventions assez limites et des propos déplacés »

Dès son propos liminaire, Mohamed Sifaoui a laissé voir une forme de nervosité et d’agressivité en rebondissant sur les propos tenus par Daniel Breuiller : « Le sujet qui intéresse votre commission d’enquête n’est pas celui de la république des copains pour reprendre les propos scandaleux, insultants et diffamatoires utilisés par l’un de vos collègues sur une chaîne de télévision, en l’occurrence Public Sénat. Je parle de vous, Monsieur le sénateur Daniel Breuiller ! » Un comportement qui dénote avec des échanges habituellement feutrés. « C’est vrai qu’il y avait une atmosphère très étrange, M. Sifaoui était assez agressif et énervé », confirme Daniel Breuiller. L’essayiste ne s’est pourtant pas contenté de « défendre son honneur » comme il l’a affirmé, et n’a pas hésité à accuser l’écologie politique de proximité avec l’islamisme en déclarant : « Le premier copinage qui devrait être dénoncé, c’est celui qui lie votre courant politique, les écologistes, à l’islamisme et ce dans plusieurs villes de France. Voilà l’intitulé d’une vraie commission d’enquête qui aurait de la gueule, si j’ose dire ».

Malgré le léger flottement causé par ces déclarations, les sénateurs n’ont pas voulu « rentrer dans les polémiques » malgré des « interventions assez limites et des propos déplacés », explique Daniel Breuiller. Un avis partagé par le rapporteur, Jean-François Husson, qui a également eu quelques vifs échanges avec Mohamed Sifaoui. « Il faut mettre [ce comportement] dans le contexte d’une visite à son domicile, d’une certaine tension, même si cela n’excuse pas tout », explique Jean-François Husson. Une clémence partagée par Daniel Breuiller qui confie néanmoins n’avoir « aucun souvenir d’un comportement comme celui-là lors d’une audition au Sénat ».

 « Cette agressivité ressemble à une vieille stratégie de diversion »

Loin de le prendre personnellement, les membres de la commission des finances semblent percevoir dans l’attitude de Mohamed Sifaoui une tentative d’évitement. « Cette agressivité ressemble à une vieille stratégie de diversion, d’ailleurs il dit directement qu’il va créer la polémique », note Daniel Breuiller. Une analyse partagée par le président de la commission d’enquête, Claude Raynal, qui affirme croire que « M. Sifaoui voulait profiter de cette présence en commission pour faire passer un certain nombre de messages ».

En cherchant à se placer en victime, Mohamed Sifaoui a voulu attirer l’attention sur la responsabilité de Marlène Schiappa formulant même « plusieurs incises très dures ou on voyait l’ombre de la ministre planer et être attaquée », rapporte Jean-François Husson. Une stratégie pour orienter les débats ? C’est en tout cas le sentiment de Claude Raynal qui relève qu’ « à un moment donné il aurait voulu inverser le système et presque poser les questions ».

 « Aujourd’hui, l’attribution de la subvention à l’USEPPM ne s’explique pas »

Du point de vue des sénateurs, la volonté de Mohamed Sifaoui de reprendre la main est d’autant plus évidente que ses réponses n’ont pas vraiment convaincu. « Aujourd’hui, l’attribution de la subvention à l’USEPPM ne s’explique pas, il y a un certain nombre d’incohérences, on verra comment on qualifie les faits », explique Jean-François Husson. La défense de Mohamed Sifaoui a principalement consisté à rejeter la faute sur Marlène Schiappa et son cabinet expliquant avoir été « piégé et trahi ». Mohamed Sifaoui explique également que le projet était mort-né et ne correspondait pas à ses attentes notamment par rapport à la durée du projet que ce dernier souhaitait pluriannuel. « C’est une opération qui démarre avec du retard en septembre. En octobre, Mohamed Sifaoui estime que le projet est mort-né. Lorsque l’on est responsable d’une association, si on considère que le projet est mort-né on doit arrêter les frais, en réalité il s’est poursuivi malgré tout », tempère Claude Raynal.

Par ailleurs, le choix de Mohamed Sifaoui en tant que « caution scientifique et intellectuelle » n’a pas convaincu les sénateurs. Daniel Breuiller a ironisé quant à « l’étonnante naïveté de la part d’une caution scientifique et intellectuelle évidente » tout en insistant sur le fait que « les valeurs de la République ne sont pas la propriété de Monsieur Sifaoui et tous les élus écologistes et du Sénat les défendent ».

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