Paris: weekly session of questions to the government

Immigration: une tribune de la gauche et d’une partie de la majorité pour « mettre la pression sur le gouvernement »

Dans une tribune publiée dans le journal Libération, des parlementaires de gauche et une partie de la majorité appellent le gouvernement à conserver le volet régularisation du projet de loi immigration qui arrive en examen au Sénat en novembre. Une réponse à la surenchère de la droite qui court sur ce texte depuis plusieurs mois mais qui laisse toujours planer le doute sur la constitution d’une majorité pour voter ce texte.
Simon Barbarit

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Elle était annoncée depuis quelques jours. La tribune cosignée par une partie de la majorité présidentielle, et des élus de gauche en faveur de la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension, l’un des points d’achoppement du projet de loi immigration, est sortie dans le journal Libération, ce mardi.

Le président Renaissance de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Sacha Houlié, le député socialiste, Boris Vallaud, le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard, le Premier secrétaire du PCF, Fabien Roussel mais aussi des députés LIOT demandent « des mesures urgentes, humanistes et concrètes pour la régularisation des travailleurs sans papiers ».

Alors que le ministre de l’Intérieur vient d’annoncer la date d’examen du projet de loi immigration, le 6 novembre prochain au Sénat, la tribune transpartisane formule un certain nombre d’exigences. Les auteurs assument la « nécessité d’une régularisation de travailleuses et de travailleurs sans papiers, dans tous ces métiers qui connaissent une forte proportion de personnes placées en situation irrégulière ». Les auteurs souhaitent également « rétablir le droit au travail pour les demandeurs d’asile ». « La loi leur impose six mois d’attente avant de pouvoir demander une autorisation de travail […] Cette logique nuit considérablement à leur autonomie et donc à leurs facultés ultérieures d’intégration », soulignent-ils. A noter qu’aucun députés LFI ne signent cette tribune, en désaccord avec l’idée d’une régularisation seulement sur les métiers en tension

« Nous sommes en capacité de travailler et d’agir »

« On se dirige vers un texte à droite toute, ce travail de réflexion qui a débuté depuis le mois de mars entre différentes formations de gauche et une partie de la majorité est une manière de mettre la pression sur le gouvernement. L’exécutif n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale et doit prendre ses responsabilités. Notre message, c’est de dire : nous sommes en capacité de travailler et d’agir. C’est ça la démocratie moderne. Même si on sait qu’on ne pourra pas tout obtenir dans le climat actuel », explique Guillaume Gontard.

Les cosignataires demandent en creux la conservation de 2 articles du projet de loi déjà examiné en mars dernier par la commission des lois du Sénat. L’article 3 porte sur la création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les « métiers en tension » et l’article 4 vise à permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande de régularisation auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Le gouvernement avait finalement retiré le projet de loi de l’ordre du jour de la Haute assemblée dans le contexte explosif de la réforme des retraites.

De nouvelles « pompes aspirantes » de l’immigration pour la droite et l’extrême droite qui ne veulent pas entendre parler de ces deux articles. Face aux atermoiements de l’exécutif, et bien décidé à prendre aux mots la promesse d’Élisabeth Borne qui avait assuré vouloir s’inspirer des travaux du Sénat, Les Républicains avaient fini par présenter cet été leur propre projet sur l’immigration qui réforme en profondeur les conditions d’accès à la nationalité française et les conditions d’accès au droit l’asile. La droite veut également permettre aux Français de se prononcer sur la politique migratoire par référendum, quitte à déroger au droit européen en matière migratoire.

Depuis la rentrée, Gérald Darmanin semble faire fi de la menace brandie par LR du dépôt d’une motion de censure, si jamais le cheminement parlementaire aboutissait au vote d’un « texte laxiste ». Le locataire de Beauvau a maintenu sa volonté d’un texte reposant sur « deux pieds », « très dur avec les méchants » et « gentil avec les gentils ».

« Equilibré » : un mot à définitions multiples

La semaine dernière, à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran avait même encouragé la gauche à faire des propositions. « La gauche de gouvernement a son mot à dire. Des députés socialistes, écologistes, communistes, cette gauche raisonnable de gouvernement sait l’importance qu’il y a de pouvoir dire non plus vite à des personnes qui n’ont pas vocation à rester. Et en même temps de permettre à des gens qui ont un emploi de pouvoir vivre dans de meilleures conditions pour améliorer leur intégration ».

Même analyse président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat, François Patriat pour qui « le texte doit avoir deux vertus : être équilibré et efficace ». Si le sénateur de Côte d’Or ne voit rien à redire sur les grandes lignes de la tribune cosignée par l’aile gauche de son parti, « si ce n’est qu’elle aurait pu être débattue lors de nos journées parlementaires qui auront lieu demain (mardi) », Il y apporte une précision qui n’est pas sans importance. « Le texte aurait pu préciser que les régularisations des sans-papiers pour les métiers en tension n’auront pas vocation à être automatiques, ni définitives ».

De quoi faire capoter la possibilité d’une majorité de circonstance au Sénat sur ce texte, imaginé par François Patriat et qui rassemblerait, communistes, socialistes, RDPI, radicaux, les Indépendants et une partie des centristes. L’hypothèse qui tient la corde reste le recours au 49.3 à l’Assemblée pour faire passer le texte. Emmanuel Macron ne l’a d’ailleurs pas exclu.

« A partir du moment où on est sur le sol Français, le droit au travail doit être inconditionnel »

Guillaume Gontard n’a, en effet, pas la même définition que le gouvernement sur ce que serait un texte équilibré. « Même si j’ai cosigné la tribune, je suis très partagé sur le concept de métiers en tension car pour moi tous les secteurs sont en tension. A partir du moment où on est sur le sol Français, le droit au travail doit être inconditionnel. Et c’est l’inverse que propose le gouvernement en liant la question du travail à nos besoins ».

« Ce n’est pas parce que les articles 3 et 4 sont conservés que nous voterons un texte qui prévoit par exemple des quotas pour des catégories d’immigration ou la suppression de l’Aide médicale d’Etat », prévient la sénatrice socialiste, Marie-Pierre de la Gontrie, en référence aux ajouts de la majorité sénatoriale votés en commission au printemps.

Certes la majorité sénatoriale LR-Union centriste est divisé sur le sujet. Les centristes, du moins une partie d’entre eux, sont favorables à la partie métiers en tensions. Mais le président du groupe Hervé Marseille n’exclut toujours pas à ce stade la possibilité d’un compromis avec ses alliés LR. « Les Républicains considèrent qu’il n’est pas souhaitable de régulariser. Nous, nous considérons qu’il existe une réalité que nous ne pouvons ignorer. Nous avions d’ailleurs pris des positions proches de cette tribune. Nous souhaitons que le texte aboutisse et nous avons la volonté de chercher un compromis », assure-t-il.

Passer par le règlement pour trouver un compromis au Sénat

Le patron de l’UDI évoque pour ce faire la piste de la voie réglementaire « pour satisfaire les uns et les autres ». Un écho aux propositions esquissées par Gérald Darmanin. Il a récemment évoqué la possibilité de passer par la voie « réglementaire », tout en estimant nécessaire d’inscrire dans la loi le fait que la demande de titre de séjour puisse être à l’initiative du seul salarié. Pour rappel, la circulaire Valls de 2012 ne permet les régularisations dans les métiers en tension que si la demande est conjointe de la part de l’employeur et du salarié.

Du côté de LR, le président de la commission des lois, François-Noël Buffet veut lui aussi croire qu’un compromis réside dans le choix de passer par un règlement. « A partir du moment où le gouvernement prend une circulaire, les préfets peuvent procéder, aux cas par cas, à des admissions exceptionnelles au séjour. Cette solution pourrait satisfaire tout le monde. A moins que la gauche ne veuille véritablement bloquer le texte. Laisser le texte en l’état enverrait le pire des messages aux réseaux mafieux qui se font de l’argent sur le dos des migrants ». Quant à la possibilité de voir le texte adopté au Sénat par la majorité de droite et du centre, le sénateur du Rhône l’assure. « Je m’y emploie ».

 

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