« On sait que les données peuvent bouger » : les sénateurs restent sur le qui-vive, après un nouveau temps d’échange sur le budget à Bercy
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« On sait que les données peuvent bouger » : les sénateurs restent sur le qui-vive, après un nouveau temps d’échange sur le budget à Bercy

Les acteurs clés des sujets budgétaires au palais du Luxembourg ont pris acte des données communiquées par le gouvernement, au sein du comité d’alerte sur les finances publiques. De nouvelles mesures pour contenir la dépense sont prévues, les sénateurs attendent désormais les détails dans les prochains jours.
Guillaume Jacquot

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Tenir « quoiqu’il arrive » l’engagement d’un retour du déficit à 5,4 % du PIB cette année. C’est le crédo du ministère des Comptes publics pour le suivi du budget 2025. Plusieurs ministres réunissaient ce 26 juin, pour la deuxième fois depuis sa création au printemps, le comité d’alerte des finances publiques. Cette instance, qui réunit des parlementaires, les représentants des élus locaux, de la Sécurité sociale et de l’Etat, et les partenaires sociaux, a été imaginée par le gouvernement comme un lieu de partage de l’information. Il s’agit aussi bien de fait part des aléas susceptibles de dégrader la trajectoire budgétaire, que des mesures de corrections pour y remédier.

Les imprévus sont bien là. Le contexte économique international, perturbé par les tensions commerciales d’abord puis géopolitiques ensuite, est plus incertain que jamais, ce qui doit inciter à la prudence. Les recettes sont pour le moment « globalement conformes aux prévisions » du budget, mais Bercy a constaté que des « tensions » apparaissaient sur le front des dépenses : leur taux d’exécution est « légèrement supérieur » à la prévision de la loi de finances initiale. Des dépassements pourraient se produire dans « certaines ministères ».

La répartition du nouveau gel de trois milliards d’euros n’est pas encore connue

Pour garantir la trajectoire budgétaire, le gouvernement a annoncé un effort supplémentaire dans les prochaines semaines. Outre le volume d’économies de 1,7 milliard d’euros sur les dépenses de l’assurance maladie, présenté la veille, le gouvernement veut engager 3 milliards d’euros de mesures nouvelles sur le budget de l’État. « Ces crédits ne seront pas engagés cette année. Une mise en réserve complémentaire sera notifiée dans les prochaines semaines », a-t-il été précisé dans un communiqué.

Ce nouveau gel de trois milliards d’euros pour l’État, s’ajoute au coup de frein de 5 milliards d’euros réalisé en avril, qui se décomposait par 2,7 milliards d’annulations par décret, et 2,3 milliards d’euros de mises en réserve supplémentaires. Rapidement après la promulgation de la loi de finances, le gouvernement avait également décidé de placer en réserve 9 milliards d’euros. Le détail et la ventilation par ministère des trois nouveaux milliards n’ont pas été communiqué. « C’est la question que l’on a posée », témoigne le président de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal (PS).

Dans une instance qui repose sur la transparence des données, cette absence de réponse inquiète. D’autant que les mesures de gestion se succèdent les unes aux autres depuis la fin de l’hiver. « C’est une somme réellement significative. Je ne voudrais pas que le vote de la loi de finances par le Parlement soit à ce point remis en question, sans que l’on ait connaissance de l’objet des arbitrages. Sinon, le risque est que les annulations portent des dépenses que le gouvernement n’avait, comme par hasard, pas soutenu dans le projet de loi. J’espère que ce ne sera pas le cas », s’inquiète Jean-François Husson (LR). Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a déjà un important sujet de friction avec Bercy : il demande le retrait d’un texte d’instruction du ministère, qui affaiblit une disposition de lutte anti-fraude fiscale votée par le Parlement. « Je ne voudrais pas que le gouvernement mette à profit ces mesures pour contourner insidieusement le vote du Parlement », prévient-il.

« Ce sont des données de milieu d’année. On sait qu’elles peuvent bouger »

La répartition des trois nouveaux milliards d’efforts devrait rapidement être arbitrée, vraisemblablement d’ici la fin du mois. En effet, les secrétaires généraux et des directeurs des affaires financières des ministères sont appelés à se réunir le 4 juillet « pour s’assurer de leur mise en œuvre ».

Ce point vigilance mis à part, les éléments communiqués n’ont pas créé de trouble au sein de la commission des finances. Le gouvernement a épinglé un certain nombre d’aspects négatifs : la consommation des ménages a déçu au premier trimestre, l’euro s’est apprécié face au dollar, et l’emploi est « est moins dynamique qu’anticipé ». Au rang des bonnes nouvelles, l’exécutif relève que les taux souverains « sont plus bas » par rapport aux dernières prévisions. Quant à l’acquis de croissance à l’issue du premier trimestre, il est conforme à ce qui était prévu, tout comme le ralentissement de l’inflation. Autant de raisons qui expliquent l’absence de gros écart budgétaire.

« Ce sont des données de milieu d’année. On sait qu’elles peuvent bouger. À ce stade, il n’y a pas de raison particulière de s’inquiéter, ni non plus d’être certain. Il y a eu un comité d’alerte pour dire que l’on n’avait pas d’alerte », résume froidement Claude Raynal.

« Si on veut garder notre souveraineté, on doit absolument respecter l’équilibre des budgets »

Sur le front de la Sécurité sociale, la rapporteure générale de la commission des affaires sociales Elisabeth Doineau (Union centriste) salue les mesures de correction à hauteur de 1,7 milliard d’euros, un niveau supérieur au risque de dérapage, estimé à 1,3 milliard d’euros par le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie. « Il vaut mieux être prudent et proposer davantage », approuve la sénatrice mayennaise, qui pointe une « situation économique qui se dégrade ».

De façon générale, la sénatrice centriste considère que le gouvernement « a pris la mesure de la gravité ». « Si on veut garder notre souveraineté, on doit absolument respecter l’équilibre des budgets, et assurer une sobriété des différents ministères, sauf certains qui doivent être privilégiés, comme la Défense », poursuit-elle.

Une lecture que partage son homologue de la commission des finances, Jean-François Husson. « Il faut souhaiter que le gouvernement aboutisse à l’objectif fixé. C’est un sujet éminemment d’intérêt national et collectif. Si on échoue, cela voudrait dire que le crédit de la France serait entamé et cela pourrait se payer très cher dans nos conditions de financement de la dette », avertit-il.

Le sénateur de Meurthe-et-Moselle se montre toutefois préoccupé par le contexte international – décisions de l’administration Trump ou encore les tensions géopolitiques – qui pourrait se répercuter sur notre économie, « notamment sur le sujet de l’énergie ». « Dans ce contexte, j’espère que les petites différences qui existent aujourd’hui par rapport au modèle et aux prévisions budgétaires, ne seront pas significatives demain. »

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