C’est fait. Députés et sénateurs ont trouvé un accord en commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances 2025. Le texte final a été adopté par 8 voix contre 6. Une CMP conclusive et particulièrement longue, après une journée et demie et 14 heures d’examen. Une durée finalement plus courte, que la CMP immigration, qui s’était terminée le deuxième jour à 15h40.
Après cet accord, les députés vont examiner les conclusions de la CMP dès ce lundi, avant les sénateurs jeudi. Faute de majorité, le gouvernement pourrait recourir au 49.3, s’exposant à une motion de censure. Il peut aussi laisser les députés voter, quitte à rejeter le texte, qui partira ensuite en navette au Sénat, avant de revenir devant les députés, qui ont le dernier mot. Il dégainerait alors le 49.3, au bout du processus parlementaire.
Un socle commun uni
Si les échanges n’ont pas débordé outre mesure durant la CMP, c’est que tout, ou presque, avait en réalité été bouclé en amont, avant ce conclave parlementaire qui réunit sept députés et sept sénateurs. Les réunions préparatoires avaient commencé depuis une semaine. Dans la dernière ligne droite, les deux rapporteurs du Sénat, Jean-François Husson (LR) et de l’Assemblée nationale, David Amiel (Renaissance), ont épluché tous les sujets.
« Il y a un accord sur l’essentiel », pouvait ainsi affirmer, dès l’ouverture, un membre du socle commun, qui rassemble les macronistes et les LR. Résultats, la majorité gouvernementale est arrivée unie à la CMP. « Le socle commun vote d’une seule main les propositions des rapporteurs », confirmait jeudi une source au sein de la commission mixte paritaire. Fort de la majorité en CMP, avec 8 des 14 sièges, grâce à la règle du tourniquet, qui lui était opportunément favorable, c’est en toute logique qu’un accord a pu être aisément conclu.
« On n’a pas été lâchés » sur l’AME, assure le sénateur LR Jean-François Husson
Seul point « sensible » qui restait à lever : l’Aide médicale d’Etat. La majorité sénatoriale de droite l’avait diminuée de 200 millions d’euros. Les socialistes en faisaient une ligne rouge. Finalement, les parlementaires se sont entendus en CMP sur l’amendement de David Amiel, qui coupe la poire en deux en réduisant les crédits de 111 millions d’euros, ce qui revient à les maintenir, comparé à leur niveau de 2024. Un compromis accepté par les socialistes, qui ont voté pour l’amendement, d’autant plus qu’un article qui conditionnait l’AME a été rejeté.
Pour la droite, c’est une déconvenue sur ce point. Les LR ont-ils été lâchés par leurs alliés macronistes, sur l’AME ? « J’ai dit depuis plusieurs mois, pas de ligne rouge. […] Il n’y avait pas d’accord, donc on n’a pas été lâchés. On a essayé de trouver une voie de compromis. On n’y est pas arrivés. Il faut d’abord un budget pour la France », a réagi Jean-François Husson, qui se réjouit avant tout que « l’objectif d’être à 5,4 % de déficit public soit en passe d’être atteint. Dans la copie que nous rendons, les choses sont acquises », se réjouit le rapporteur général du budget du Sénat.
« Nous verrons s’il y a lieu de censurer ou pas », affirme le socialiste Boris Vallaud
Si l’accord en CMP ne faisait pas beaucoup de doute, l’autre enjeu est la position du PS. S’ils ont sans surprise voté contre cette version du budget, ils demandent surtout des gages à François Bayrou, s’il veut le maintien de l’accord de non-censure de leur part. Ils ont obtenu la non-suppression des 4.000 postes de professeurs. La contribution exceptionnelle pour les grandes entreprises, est toujours là, mais limitée à un an. La contribution différentielle demandée aux plus hauts revenus en 2025 a également été validée, sans être pérennisée comme le souhaitait la gauche. Comme François Bayrou s’y était engagé, le taux de la taxe sur les transactions financières a été relevé de 0,1 point. L’augmentation de la taxe sur le rachat d’actions, en revanche, a été rejetée.
Du côté des dépenses, la CMP a aussi relevé de 300 millions d’euros le budget de l’écologie – qui était en baisse de près d’un milliard d’euros après l’examen par le Sénat – notamment pour le Fonds vert, qui finance la transition écologique dans les communes.
Des points, parmi d’autres encore, qui peuvent amener le PS à ne pas censurer ? « Nous verrons s’il y a lieu de censurer ou pas. C’est une discussion collégiale qui ne se règle pas devant les caméras », a expliqué à la sortie Boris Vallaud, à la tête des députés PS. La décision sera prise lors d’un bureau national.
« Marine Le Pen et Jordan Bardella décideront si le comportement du gouvernement mérite la censure », explique Jean-Philippe Tanguy
Si les projecteurs se sont concentrés sur le PS, il faudra suivre de près la position du RN. Jeudi, son représentant en CMP, Jean-Philippe Tanguy, a menacé de censurer après le vote de l’article 4 qui prévoit un nouveau cadre de régulation des revenus d’EDF issus du nucléaire. Il craint un risque d’augmentation des prix. « Ce seront Marine Le Pen et Jordan Bardella qui décideront si le comportement du gouvernement et cette irresponsabilité méritent la censure », a-t-il ensuite précisé face à la presse.
A noter que lors de la CMP, l’amendement de la sénatrice centriste, Nathalie Goulet, qui met fin aux avantages des anciens présidents et ex-premier ministre, adopté au Sénat, est passé à la trappe. Tout comme son amendement qui supprime le Haut-commissariat au plan, que François Bayrou présidait.
« Finalement, ce budget, c’est le plus mauvais, à l’exception de tous les autres. C’est le résultat d’un compromis »
Au terme de cette interminable séquence budgétaire, qui a commencé en septembre dernier en réalité, sous Michel Barnier, Jean-François Husson ne cache pas une certaine satisfaction. « Maintenant, nous allons mettre en œuvre ces efforts et les poursuivre. C’est l’affaire de deux ou trois années, pour remettre un coup de collier », lance-t-il.
Reste que personne n’est vraiment satisfait du texte. « Chacun devait mettre de l’eau dans son vin, pour permettre à la France d’avancer », réagit David Amiel, qui salue « un budget travaillé sans coup tordu, sans négociation d’arrière-garde. La lettre de François Bayrou aux socialistes a été intégralement reprise ». La sénatrice LR Christine Lavarde, présente en CMP, résume : « Finalement, ce budget, c’est le plus mauvais, à l’exception de tous les autres. C’est le résultat d’un compromis ».