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« On ne peut pas toucher à ça ! » : les coupes dans le budget du handicap et de la solidarité ne passent pas auprès des sénateurs

« Le double langage, ça suffit ! » : Arnaud Bazin, sénateur LR du Val-d’Oise, n’a pas de mots assez forts envers le gouvernement à la suite des 300 millions d’euros de coupes budgétaires, décrétées par Bercy mi-février dernier, sur la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances », dont il est corapporteur spécial au Sénat. Une annulation de crédits « qui ressemble fort à un double jeu » selon la lettre qu’il a rédigée avec son collègue corapporteur de la mission et sénateur communiste du Nord, Éric Bocquet.
Alexis Graillot

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Parmi les secteurs impactés par les coupes budgétaires, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l’Etat en faveur des personnes les plus fragiles, voit ses crédits amputés de 307 millions d’euros, soit 1% de son budget. Cette mission, dotée d’environ 31 milliards d’euros, finance notamment la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés. Une coupure qui ne passe pas auprès des rapporteurs spéciaux de la mission, qui accusent le gouvernement de « tourner le dos » à ses engagements, dans une lettre adressée ouverte à Bruno Le Maire et deux autres ministres, publiée ce matin sur X (ex-Twitter).

Une mission amputée de 1% de son budget, mais dans des proportions disparates

Dans le détail, sur les 307 millions d’euros de coupes, 230 millions d’euros concernent le programme « Handicap et dépendance », qui inclut notamment les crédits de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), soit 1.4% du budget du programme. 50 millions relèvent du programme « Inclusion sociale et protection des personnes », qui porte en partie sur les crédits de la prime d’activité, une coupe de 0.3% du programme. Le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », que « constitue le programme d’appui et de soutien aux politiques du ministère des solidarités et de la santé », se voit quant à lui grevé de 20 millions d’euros, soit 1.6% de son budget. Enfin, le programme « Egalité entre les femmes et les hommes » est amputé de 7 millions d’euros, soit 10% de l’ensemble de ses crédits alloués.

Une différenciation qui n’est pas passée inaperçue auprès des sénateurs : « L’annulation de 7 millions d’euros sur le programme « Egalité entre les femmes et les hommes » ne manque pas de nous interpeller », tancent les corapporteurs dans leur lettre, ajoutant que « si la somme paraît limitée, elle est à rapporter à la faiblesse globale des moyens déployés par le gouvernement ». Contacté par Public Sénat, Éric Bocquet va encore plus loin : « A quelques semaines de la Journée Internationale des Droits de la femme, nous avons cette annonce. Cela nous éloigne un peu plus des annonces fracassantes du gouvernement sur ce qui devait être la grande cause du quinquennat ». Même son de cloche pour son collègue Arnaud Bazin, qui voit dans les coupures budgétaires, « un symbole de vacuité totale » et un « cynisme absolu », qui constituent, selon l’élu du Val-d’Oise, « la marque de fabrique de ce gouvernement ». « Sur les 10% de l’égalité hommes-femmes, la ministre nous a dit que ça ne serait pas appliqué, mais alors où c’est que ça va être ? », s’interroge-t-il, jugeant que « le gouvernement doit assumer dans la société ses suppressions de crédits ».

« Il y a de quoi s’inquiéter »

Même s’il ne se déclare pas surpris que les économies touchent également le périmètre de la mission dont il est corapporteur, la pilule reste très dure à avaler pour le sénateur communiste : « Le handicap c’est 230 millions de moins, le retard est tel qu’on est très loin du compte » déplore l’élu du Nord, qui regrette que 3% des économies totales concernent une telle mission : « C’est une mission très importante, on ne peut pas toucher à ça ! », dénonce-t-il. Arnaud Bazin abonde : « Il n’y a pas d’intelligence dans ce coup de rabot, on voit très mal comment il est possible de couper dans le domaine du handicap ».

Un constat d’autant plus amer pour les élus, que « les annulations de crédits donnent l’impression que le gouvernement revient sur la parole donnée au Parlement lors de l’examen du budget à l’automne dernier ». Les sénateurs rappellent ainsi que « 15 millions d’euros supplémentaires avait été ouverts à l’Assemblée nationale, au titre du Pacte des Solidarités, de même que, au Sénat, 2 millions d’euros en faveur des épiceries solidaires et 32 millions d’euros supplémentaires (…) [pour] soutenir les départements au titre de la prise en charge des mineurs non-accompagnés (MNA) ».

Éric Bocquet déplore également l’absence d’une « explication suffisante sur les lignes budgétaires concernées ». « Il y a de quoi s’inquiéter » continue le sénateur du Nord, qui affirme « espérer » qu’il s’agit « d’économies de constatation (…) et non de la préparation d’une révision des montants ou des conditions d’accès à ces droits », auquel cas les élus du palais du Luxembourg, lancent un cri d’alerte : « Ce[la] constituerait, à nos yeux, une véritable offensive contre les droits sociaux des personnes les plus fragiles ».

20 milliards d’euros d’économies supplémentaires annoncées pour 2025

Les inquiétudes sont d’autant plus fortes pour les parlementaires que le ministre de l’Economie, auditionné le 6 mars dernier au Sénat, a annoncé 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires de 2025. « Aujourd’hui, trouver 10 milliards d’euros, c’est douloureux. Comment allez-vous trouver 20 milliards ? » s’était alors étonné le sénateur LR, Albéric de Montgolfier.

« Une vaste blague » torpille de son côté, Éric Bocquet. « Bruno Le Maire avait indiqué que le budget 2024 avait été construit pour désendetter la France. (…) Or, il nous a annoncé une prévision d’emprunt de 285 milliards d’euros », « un emprunt historique qui comprend 52 milliards d’euros d’intérêts ». « Et dans le même temps, le gouvernement nous annonce qu’il veut trouver 16 milliards d’euros d’économie », tonne le sénateur communiste, qui propose de son côté de « taxer les plus riches ». Une « piste intéressante » selon l’élu du Nord, étant donné que cette initiative avait été soutenue au G20 par … Bruno Le Maire. « La dette, on ne la remboursera jamais », conclut-il.

Un argumentaire différent pour Arnaud Bazin, qui n’est pas pour autant plus tendre avec le gouvernement : « Cela fait des années au Sénat que nous disons qu’il faut réduire les dépenses publiques », tance le sénateur LR, appelant notamment à s’attaquer au « taux d’emploi » toujours insuffisant par rapport à l’Allemagne.

« Le plus dur est devant nous », rappelait le ministre de l’Economie, à l’occasion de ses vœux à la presse, le 8 janvier dernier. Ce matin encore, chez nos confrères des Echos, le premier président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, expliquait que « des efforts d’économies sans précédent dans l’histoire récente sont nécessaires ». Sur France Culture, l’ancien ministre de François Hollande en a remis une couche, estimant que ces efforts devraient porter selon lui, à hauteur de « 50 milliards d’euros sur trois ans ».

Le mot de la fin est pour Arnaud Bazin, qui, à la question de savoir s’il avait une idée de comment le gouvernement comptait procéder pour les économies budgétaires de la mission dont il est rapporteur spécial : « Quand on le saura, on vous le dira ! », dit-il laconique, tout en ajoutant : « Pas sûr que je vous rappelle tout de suite ».

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